Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/563

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l’aimant assemble la limure de fer et la sépare de celle de l’argent, parce qu’il est chaud ; qu’un pigeon mange le chénevis et laisse I’autre grain parce qu’un pigeon est chaud ; qu’un avare sépare ses louis d’or d’avec son argent parce qu’il est chaud. Enfin il n’y a point d’extravagance où cette définition n’engageât, si l’on était assez stupide pour la suivre. Cette définition n’explique donc point la nature de la chaleur, et l’on ne peut s’en servir pour en déduire toutes les propriétés, puisque si l’on s’arrête précisément à ses termes on conclut des impertinences, et que si on la met à la place du défini on tombe dans le galimatias.

Cependant si on a soin de distinguer la chaleur de ce qui la cause, quoique l’on ne puisse pas la définir, puisqu’elle est une modification de l’âme dont on n’a point d’idée claire, on peut en définir la cause, puisqu’on à une idée distincte du mouvement. Mais il faut prendre garde que la chaleur prise pour un tel mouvement ne cause pas toujours le sentiment de chaleur en nous. Car l’eau, par exemple, est chaude, puisque ses parties sont fluides et en mouvement, qu’apparemment les poissons la trouvent chaude, et qu’elle est au moins plus chaude que la glace, dont les parties sont plus en repos ; mais elle est froide par rapport à nous, parce qu’elle a moins de mouvement que les parties de notre corps : ce qui a moins de mouvement qu’un autre étant en quelque manière en repos à son égard. Ainsi ce n’est point par rapport au mouvement des fibres de notre corps qu’il faut définir la cause de la chaleur ou le mouvement qui l’excíte ; il faut, si on le peut, définlr ce mouvement absolument et en lui-même, et alors les définitions qu’un en donnera pourront servir à faire connaître la nature et les propriétés de la chaleur.

Je ne me crois pas obligé d’examiner davantage la philosophie d’Aristote, ni de démêler les erreurs extrêmement confuses et embarrassées de cet auteur. J’ai, ce me semble, fait voir qu’il ne prouve point ses quatre élements, et qu’il les définit mal ; que ses qualités élémentaires ne sont pas telles qu’il le prétend. qu’il n’en connait point la nature, et que toutes les qualités secondes n’en sont point composées ; et enfin, qu’encore qu’on lui accordât que tous les corps fussent composés des quatre éléments, comme les qualités secondes, des premiers, tout son système serait inutile à la recherche de la vérité, puisque ses idées ne sont pas assez claires pour conserver toujours l’évidence dans nos raisonnements.

Si on ne croit pas que j’aie exposé les véritables opinions d’Aristote, on peut s’en éclaircir dans les livres qu’il a faits Du ciel et De la génération et corruption ; car c’est de là que j’ai pris presque