Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/579

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à ces sortes de gens que l’âme est immortelle et qu’elle ne peut périr : car il est au contraire évident que l’âme, prise au sens qu’ils l’entendent, est mortelle.

Ainsi, ce n’est point une question qu’íl soit difficile de résoudre, mais c’est une proposition qu’il est difficile de faire entendre à des gens qui n’ont point les mêmes idées que nous, et qui font tous leurs efforts pour ne les point avoir pour s’aveugler.

Lors donc qu’on demande si l’âme est immortelle ou quelque autre question que ce soit, il faut d’abord ôter l’équivoque des termes et savoir en quel sens on les prend, afin de concevoir distinctement l’état de la question ; et si ceux qui la proposent ne savent comment ils l’enlendent, il faut les interroger pour les éclairer et pour les déterminer : si en les interrogeant on reconnaît que leurs idées ne s’accommodent point avec les nôtres, il est inutile de leur répondre. Car, que répondre à un homme qui s’imagine qu’un désir par exemple n’est autre chose que le mouvement de quelques esprits ; qu’une pensée n’est qu’une trace ou qu’une image que les objets ou les esprits ont formée dans le cerveau, et que tous les raisonnements des hommes ne consistent que dans la différente situation de quelques petits corps qui s’arrangent diversement dans la tête ? lui répondre que l’âme, prise dans le sens qu’il l’entend, est immortelle, c’est le tromper ou se rendre ridicule dans son esprit ; mais lui répondre qu’elle est mortelle, c’est en un sens le confirmer dans une erreur de très-grande conséquence. Il ne faut donc point lui répondre, mais seulement lâcher de le faire rentrer en lui-même, afin qu’il reçoive les mêmes idées que nous, de celui qui est seul capable de l’éclairer.

C’est encore une question qui parait assez difficile à résoudre, savoir si les bêtes ont une âme ; cependant, lorsqu’on ôte l’équivoque, elle ne paraît plus difficile, et la plupart de ceux qui pensent qu’elles en ont, sont, sans le savoir, du sentiment de ceux qui pensent qu’elles n’en ont pas.

L’on petit prendre l’âme pour quelque chose de corporel répandu par tout le corps qui lui donne le mouvement et la vie, ou bien pour quelque chose de spirituel. Ceux qui disent que les animaux n’ont point d’âme l’entendent dans le second sens ; car jamais homme ne nia qu’il y eût dans les animaux quelque chose de corporel qui fùt le principe de leur vie ou de leur mouvement, puisqu’on ne peut même le nier des montres. Ceux, au contraire, qui assurent que les animaux ont des âmes, l’entendent dans le premier sens ; car il y en a peu qui croient que les animaux aient une âme spirituelle et indivisible. De sorte que les péripatéticiens et