Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/595

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qu’il n’en faut pas beaucoup pour les enfler aussi peu qu’il est nécessaire afin de les remuer seuls, ou lorsque nous levons de terre quelque chose de fort léger ; car lorsque nous avons quelque chose de pesant à lever, nous ne le pouvons pas faire avec beaucoup de promptitude. Les fardeaux étant pesants, il faut beaucoup enfler et bander les muscles ; pour les enfler en cette sorte, il faut davantage d’esprits qu’il n’y en a dans les muscles voisins ou antagonistes. Il faut donc quelque peu de temps pour faire venir ces esprits de loin et pour en pousser une quantité capable de résister à la pesanteur. Ainsi ceux qui sont chargés ne peuvent courir, et ceux qui lèvent de terre quelque chose de pesant ne le font pas avec autant de promptitude que ceux qui lèvent une paille.

Si l’on fait encore réflexion que ceux qui ont plus de feu ou un peu de vin dans la tête sont bien plus prompte que les autres : qu’entre les animaux ceux qui ont les esprits plus agités, comme les oiseaux, se remuent avec plus de promptitude que ceux qui ont le sang froid, comme les grenouilles, et qu’il y en a même quelques-uns, comme le caméléon, la tortue et quelques insectes dont les esprits sont si peu agités que leurs muscles ne se remplissent pas plus promptement qu’un petit ballon dans lequel on soufflerait. Si l’on considère bien toutes ces choses, on pourra peut-être croire que l’explication que nous venons de donner est recevable.

Mais encore que cette partie de la question proposée qui regarde les mouvements volontaires soit suffisamment résolue, on ne doit pas cependant assurer qu’elle le soit entièrement et qu’il n’y ait rien davantage dans notre corps qui contribue à ces mouvements que ce qu’on a dit ; car apparemment il y a dans nos muscles mille ressorts qui facilitent ces mouvements, lesquels seront éternellement inconnus à ceux mêmes qui devinent le mieux sur les ouvrages de Dieu.

La seconde partie de la question qu’il faut examiner regarde les mouvements naturels ou ces sortes de mouvements qui n’ont rien d’extraordinaire, comme ont les mouvements convulsifs, mais qui sont absolument nécessaires à la conservation de la machine, et qui, par conséquent, ne dépendent point entièrement de nos volontés.

Je considère donc d’abord avec toute l’attention dont je suis capable quels sont les mouvements qui ont ces conditions, et s’ils sont entièrement semblables. Mais, parce que je reconnais d’abord qu’ils sont presque tous différents les uns des autres ; pour ne me pas embarrasser de trop de choses, je ne m’arrète qu’au mouvement du cœur. Cette partie est la plus connue, et ses mouvements sont les plus sensibles. J’examine donc sa structure, et je remarque deux