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MARQUIS DE RACAN

Désormais est matinale
Pour aller voir son ami.

Termes, de qui le mérite
Ne se peut trop estimer,
La belle saison invite
Chacun au plaisir d’aimer ;
La jeunesse de l’année
Soudain se voit terminée ;
Après le chaud véhément
Revient l’extrême froidure,
Et rien au monde ne dure
Qu’un éternel changement.

Leurs courses entre-suivies
Vont comme un flux et reflux ;
Mais le printemps de nos vies
Passe et ne retourne plus.
Tout le soin des destinées
Est de guider nos journées
Pas à pas vers le tombeau !
Le Temps de sa faux moissonne.
Et sans respecter personne,
Ce que l’homme a de plus beau.

Tes louanges immortelles,
Ni tes aimables appas
Qui te font chérir des belles,
Ne t’en garantiront pas.
Crois-moi, tant que Dieu t’octroie
Cet âge comblé de joie
Qui s’enfuit de jour en jour,
Jouis du temps qu’il te donne
Et ne crois pas en automne
Cueillir les fruits de l’amour.