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THÉOPHILE DE VIAU


Si tu mouilles tes doigts d’ivoire
Dans le cristal de ce ruisseau,
Le Dieu, qui loge dans cette eau,
Aimera, s’il en ose boire…

Vois-tu ce tronc et cette pierre ?
Je crois qu’ils prennent garde à nous ;
Et mon amour devient jaloux
De ce myrte et de ce lierre.

Sus, ma Corinne ! que je cueille
Tes baisers, du matin au soir !
Vois comment, pour nous faire asseoir,
Ce myrte a laissé choir sa feuille !…

Approche, approche, ma Dryade !
Ici, murmureront les eaux ;
Ici, les amoureux oiseaux
Chanteront une sérénade.

Prête-moi ton sein pour y boire
Des odeurs qui m’embaumeront ;
Ainsi mes sens se pâmeront
Dans les lacs de tes bras d’ivoire.

Je baignerai mes mains folâtres
Dans les ondes de tes cheveux,
Et ta beauté prendra les vœux
De mes œillades idolâtres.

Ne crains rien, Cupidon nous garde.
Mon petit ange, es-tu pas mien ?
Ah ! je vois que tu m’aimes bien :
Tu rougis quand je te regarde…

Ma Corinne, que je t’embrasse !
Personne ne nous voit qu’Amour ;