Page:Malherbe - Chefs d’œuvre lyriques, 1909.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
L’ÉCOLE CLASSIQUE

L’Été de Rome


QUELLE étrange chaleur nous vient ici brûler ?
Sommes-nous transportés sous la zone torride ?
Ou quelque antre imprudent a t’-il lâché la bride
Aux lumineux chevaux qu’on voit étinceler ?

La terre, en ce climat, contrainte à panteler,
Sous l’ardeur des rayons s’entre-fend et se ride ;
Et tout le champ romain n’est plus qu’un sable aride
D’où nulle fraîche humeur ne se peut exhaler.

Les furieux regards de l’âpre canicule
Forcent même le Tibre à périr comme Hercule,
Dessous l’ombrage sec des joncs et des roseaux.

Sa qualité de dieu ne l’en saurait défendre,
Et le vase natal d’où s’écoulent ses eaux
Sera l’urne fatale où l’on mettra sa cendre.


L’Automne des Canaries


VOICI les seuls coteaux, voici les seuls vallons
Où Bacchus et Pomone ont établi leur gloire ;
Jamais le riche honneur de ce beau territoire
Ne ressentit l’effort des rudes aquilons.

Les figues, les muscats, les pêches, les melons
Y couronnent ce dieu qui se délecte à boire ;
Et les nobles palmiers, sacrés à la victoire,
S’y courbent sous des fruits qu’au miel nous égalons.

Les cannes au doux suc, non dans les marécages,
Mais sur les flancs de roche, y forment des bocages
Dont l’or plein d’ambroisie éclate et monte aux cieux.