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NOTICE

La Rochelle avec les assassins de son fils. L’état d’esprit où il se trouve est peut-être l’explication, sinon l’excuse, de cette strophe inhumaine.

Le poète avait envoyé une copie de son ode à Richelieu qui, depuis un mois, sous les boulets de la flotte anglaise et ceux des remparts de la ville rebelle, dirigeait en personne les opérations du siège. C’est de la tranchée même qu’il répondit au poète, dans une lettre qu’on peut lire encore aux Archives des Affaires Étrangères. « Monsieur, j’ai vu vos vers qui font voir que M. de Malherbe sera toujours le même tant qu’il plaira à Dieu de le conserver. Je ne dirai pas que je les ai trouvés excellents, mais bien que personne de jugement ne les lira qui ne les reconnaisse pour tels… Je prie Dieu que d’ici à trente ans, vous nous puissiez donner de semblables témoignages de votre esprit, que les années n’ont pu faire vieillir qu’autant qu’il fallait pour les épurer entièrement de ce qui se trouve quelquefois à redire en ceux qui ont peu d’expérience, aux jeunes… Assurez-vous que j’embrasserai tous vos intérêts comme les miens propres. »

Pour hâter l’effet de ces paroles, après avoir repoussé l’offre d’une compensation financière que lui offraient les assassins de son fils, Malherbe se rend à La Rochelle, sans songer que le Roi et le Cardinal ont bien autre chose à faire que de l’écouter. Là, il crie tout haut que, si on ne l’entend point, il ira provoquer lui-même le sieur de Piles. Et Racan lui faisant observer que les officiers se gaussent de ce bonhomme de soixante-treize ans qui veut se battre contre un homme de vingt-cinq, il lui réplique brusquement : « C’est bien pour cela, parbleu, que je le fais ; je hasarde un sou contre une pistole. »

Sur ces entrefaites, le poète ressentit les premières atteintes d’un mal qu’il n’était plus d’âge à supporter : la fièvre paludéenne, très-répandue dans ce pays de marécages. Il dut se résigner à retourner à Paris où, rapidement, son état empira. Quand on vit que sa mort était proche, comme on le savait assez tiède sur le point de la religion, il fallut pour le décider à se confesser sans attendre, selon sa coutume, les fêtes de Pâques, qu’on lui rappelât que c’était aussi « l’usage » de recevoir les sacrements à l’article de la mort. Ce mot lui parut sans réplique et il fit venir un prêtre. « J’ai vécu comme les