Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/113

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ticulièrement en elle celle qui aima Adonis, Le nom de ce dernier personnage n’appartient pas à la mythologie grecque : c’est un mot syrien ou hébraïque, signifiant Seigneur, quoique le dieu fût adoré en Syrie sous l’invocation de Tammuz [1]. Voici l’histoire d’Adonis. Sa grande beauté charma Aphrodite, mais il ne paya pas cette passion de retour ; et au printemps encore de son adolescence, l’éphèbe mourut déchiré par un sanglier sauvage [2]. Ce conte ressemble à un grand nombre d’autres, où le héros meurt jeune, est blessé par les défenses d’une bête, par la lance, par une épine, une flèche. Ainsi dans la fable perse, Isfendiyar périt d’une épine que Rustem lui enfonce en l’œil ; et dans la légende norse, Sigurd est percé par une lance, comme dans la légende grecque, Pâris, par les flèches empoisonnées d’Hercule. Une signification bien connue de nous déjà se cache sous le conte d’Aphrodite et d’Adonis, n’est-ce pas ? Aphrodite pleurant Adonis, c’est le chagrin de Déméter, lors de la perte de Perséphone [3].

La terre, dans le dernier cas, est en deuil du départ de l’été ; dans le premier, l’aurore ou le crépuscule se désole de la mort du trop bref soleil. Toutefois des fables relatives à Aphrodite ne se dégage pas une idée qu’incarne pleinement la déesse : on la représente en effet de façons multiples, quelquefois pure, parfois douce et aimante, d’autres fois forte et véhémente, tantôt indolente et distraite, et tantôt respirant la victoire. Aux temples de Sparte, elle apparaissait comme une déesse conquérante

  1. Ezéchiel VIII, 14.
  2. Cf. Arès.
  3. Cf. Déméter.