Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/203

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Remarque : la dernière partie de l’histoire d’Œdipe ne s’est pas produite dans l’Inde ; pourquoi ? Parce qu’on n’avait pas oublié la signification réelle de noms tels qu’Œdipe et Jocaste. Mais, chez le Grec voyant en Œdipe et en Jocaste des êtres vivants, l’idée d’un mariage entre eux devint choquante ; et les horreurs qui en résultent sont des inventions ayant une cause très-naturelle. Œdipe se montre comme dominé par une puissance à laquelle il ne peut pas résister. C’est que le Soleil ne peut se reposer dans sa marche : l’astre n’agit pas librement ; et il faut qu’il s’unisse le soir à l’Aurore, de qui il s’est séparé le matin. Cette notion, appliquée à des actions humaines, devint l’idée de la Nécessité, appelée par les Grecs Ananké, ou de la Destinée qu’ils nomment Moïra. Sens de ce dernier mot Moïra : littéralement une portion ; et dans Homère, c’est l’être qui assigne aux hommes leur part de la vie, soumis strictement à Zeus. Aux poèmes postérieurs, ce personnage devient plus puissant que Zeus et tous les dieux ; et, selon quelques versions, il y avait trois sœurs appelées les Moires [1] (en latin, Fates) : nommément Clotho, celle qui file le fil de la vie, Lachésis celle qui le dévide aussi long qu’elle veut, et Athropos, la déité inexorable qui le coupe. Quant à Até, cause des disputes mortelles entre les fils d’Œdipe, son nom signifie « folie malfaisante » ; et dans les poèmes homériques elle n’est rien de plus : comme telle, Zeus la précipite du ciel, pour avoir fait naître Eurysthée avant Héraclès. Dans des temps plus récents, Até devint un sort ou un arrêt demeurant sur une maison, après l’effusion de sang innocent.

  1. Les Parques.