Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours cet instant en défaisant, la nuit, la portion de la trame tissée pendant le jour.

Odyssée entra dans la salle de son propre palais déguisé en mendiant, et, provoqué par quelques-uns des prétendants, il les défia à bander un arc suspendu au mur. C’était l’arc même du héros, que lui seul était capable de bander. Ils s’essayèrent en vain à le ployer ; mais quand le mendiant y mit la main, on entendit dans les cieux le tonnerre de Zeus, et ces intrus commencèrent à tomber un à un sous les flèches infaillibles. Télémaque avait laissé la porte de sa chambre entrebâillée ; plusieurs des chefs, saisissant les armes trouvées dans ce lieu, serrèrent de près Odyssée. Ils ne purent frapper le maître lui-même, mais Télémaque fut blessé, non pas mortellement cependant, comme Patrocle. À ce moment critique, Athéné vint en aide aux deux héros, et dispersa leurs ennemis avec son aveuglante égide. On rejeta les cadavres comme une dépouille refusée ; mais Odyssée assouvit toute sa rage sur le fils de Dolios, Mélanthios, comme Achille foula aux pieds le corps d’Hector. Il appela en dernier lieu toutes les femmes qui avaient favorisé les prétendants, et les pendit par les pieds à une poutre en travers de la grande salle. Le héros fut de nouveau uni à Pénélope, pour qui il avait, mainte année auparavant, fait de ses mains la belle chambre nuptiale, lieu de son repos après le grand massacre.

Savez-vous une histoire à qui ce conte ressemble de près ? Vous n’évoquerez pas tout de suite, à cause de mainte altération, la légende d’Achille à laquelle cette légende est parallèle. On tire, dans l’une et dans l’autre, une vengeance excessive d’un tort comparative-