Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

défendre, et l’on assure que les ennemis sont très effrayés de cette détermination, qui les empêchera probablement de tenter le siège, à moins d’avoir remporté une victoire décisive sur nous. Un événement fort triste pour l’armée et pour mes amis, c’est la blessure du général Grouchy. Il a la cuisse cassée par un biscaïen ; on espère lui conserver la jambe, mais il est hors de service pour plus de trois mois, et comme il commande toute la cavalerie, c’est une perte irréparable. L’empereur la sent vivement. Gustave est aussi de retour avec une blessure au pied, mais peu dangereuse ; il s’est couvert de gloire dans les dernières affaires, et a acquis un grade sur le champ de bataille. Sa mère en est bien heureuse. C’est elle qui doit donner l’hospitalité à toute ma famille si Paris est menacé… J’ai des nouvelles indirectes de ton ami (ainsi désigne-t-elle son mari pour ses filles du premier lit). Je sais qu’il est tranquille et son pays gouverné assez paisiblement. Au milieu de tous nos désastres les Parisiens vont à la comédie comme [dans] les plus beaux jours de la monarchie. La Joconde a du succès, et toute la salle de la Comédie-Française est louée ce soir pour voir la pièce de M. Arnaud. Comme on m’a fait cadeau d’une loge, j’y mène ta sœur, c’est toujours autant de pris sur l’ennemi[1]. »

Lorsque les Cosaques campent à Paris, Sophie Gay n’en peut supporter la vue, et se calfeutre chez elle, où ses amis lui apportent les nouvelles et la tien-

  1. Lettre de Sophie Gay à Euphémie Liottier, 14 novembre 1814, arch. Enlart. — Arch. nat., Ftc, lll, Roër, 3 et 4.