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se faisait apporter après le déjeuner et le dîner un léger rameau de verdure : on le voit à ses doigts sur le portrait qu’en a laissé Mlle Godefroy, l’élève du baron Gérard[1]. Ainsi Mme de Duras se fait apporter sur un plateau des bandes de papier, les roule en tourniquets toute la soirée, et les déchire l’un après l’autre.

Rien de divers comme les habitués de son salon : le chevalier Stuart, ambassadeur d’Angleterre et grand amateur de beaux livres ; Pozzo di Borgo, Corse et ambassadeur de Russie ; l’encyclopédique Humboldt ; le maréchal Marmont que ses amis affirment loyal et accablé par la fatalité ; le comte Molé ; Villèle ; le baron de Barante ; Villemain ; Talleyrand ; l’astronome Arago ; le sinologue Abel de Rémusat, qui décide la duchesse à intervenir en faveur de Daunou ; elle ne peut réinstaller l’ancien conventionnel aux Archives, mais obtient pour lui une chaire d’histoire au Collège de France ; l’abbé de Feletz, critique à la mode ; l’excellent Cuvier, dont la duchesse suit les cours au Collège de France ; de Frénilly, auteur de satires, et député ; Alexandre de Laborde qui conte ses souvenirs de voyage ; Eugène Brifaut, long et mince, sa tête aux cheveux noirs ondulés perchée sur une haute cravate blanche, académicien ; il zézaie ; il dit pa’ole d’honneu’, et c’te femme ; on sait vaguement qu’il fit jouer en des temps reculés une tragédie, Ninus ; personne n’en a

  1. Ce portrait orna le salon de l’Abbaye-aux-Bois ; à sa vue, Thémistocle Canaris, enfant, apercevant le turban légendaire, s’écria en lui montrant le poing : « Oh ! le vilain méchant Turc ! » Il est aujourd’hui au musée de Versailles. Il est la copie d’un original, peint par le baron Gérard lui-même.