Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/252

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Pour rompre le silence, Mme Récamier demande à Dugas-Montbel ce que Ballanche vient de lui dire à l’oreille.

— Ballanche ? Madame, ne vous fiez pas à lui ; avec son air si bon et si doux, c’est une très mauvaise langue. Il prétend que Mme Gay est venue ici prendre des informations pour savoir si sa fille doit se mettre à faire des vers sur une convalescence ou sur une mort.

Cette mort arrive tragiquement le vendredi saint de l’an 1826 : le duc s’écroule au pied de l’autel de Saint-Thomas-d’Aquin où il priait. Quelques jours plus tard, à une soirée chez Gérard, Ingres, Pradier, Thévenin et Delécluze écoutent le maître parler de son art avec la solide fermeté de son jugement et la délicatesse de son goût, lorsqu’il est interrompu par l’entrée de Sophie Gay, qui lui coupe net la parole :

— Mon cher, nous avons fait des vers sur la mort de M. Mathieu de Montmorency ; ils seront demain dans les journaux ; et nous voulons que vous les connaissiez avant tout le monde.

On passe dans le salon voisin où Delphine s’est arrêtée pour causer, et où se tiennent M. et Mme Ancelot, Mme de Périgord, et le pianiste florentin Sgricci qui improvise facilement de sept à huit cents vers en trois quarts d’heure. Elle s’assied près de sa mère, prend, les yeux au ciel, sa pose favorite que fixa le pinceau de Hersent, et récite son poème. Dès qu’elle a fini, elle se lève ; sa mère lui donne le signal de la retraite, et dit à Gérard :

— Mon cher, mous sommes désolées de vous quitter si brusquement, mais nous devons passer encore