Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/261

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quelques milliers de vers. Mais Sophie Gay sait les extravagantes prétentions nobiliaires de M" de Vigny mère. Le poète lui-même n’a-t-il pas inscrit ce titre sur un manuscrit de sa plume : Notice sur Messieurs de Vigny mes aïeux depuis l’an 1096 ? Elle sait aussi le peu de fortune des deux héros de l’aventure. Le refus de M" de Vigny ne fait pas de doute. Et en effet, le jour où Vigny, épris de son côté, s’ouvre à sa mère de cette alliance qu’il souhaite, il se voit opposer un veto formel devant lequel il s’incline.

Sophie Gay a rempli son devoir de mère avec son tact et sa sûreté habituels. « Après m’être assurée que ce rêve ne pouvait se réaliser, écrit-elle à Marceline, j’ai hâté le réveil ». Mais si elle enlève l’espoir du cœur de sa fille, elle-même ne veut pas se persuader que tout soit irrémédiablement fini. Elle prie Marceline, alors à Bordeaux où se trouve aussi le poète, de prononcer « certain nom » en le regardant droit dans les yeux... Elle vient de lire Dolorida dans le fascicule d’octobre de la Muse française. « Le moyen de se distraire d’un démon qui se rappelle à vous par de tels souvenirs ! » Les jeunes gens possèdent des goûts, des talents qui s’accordent si bien : « Plus j’y songe, et plus je dis : c’est dommage ! »

Delphine garde une attitude parfaitement digne. La noblesse de son caractère ne se dément pas à l’épreuve. Elle supporte le coupavec courage. Ses vers seuls portent la trace de sa désillusion et de sa peine :

Une fois, à l’amour mon cœur osa prétendre :
D’un bien commun à tous je rêvai la douceur ;
Mais celui que j’aimais ne voulut pas m’entendre…