Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/305

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deux heures au moins l’ouverture de la séance. On vivait, en attendant, de curiosité ; on montrait du doigt les académiciens qui passaient. Un mouvement a accueilli M. Royer-Collard ; tout le monde était debout, quand on a annoncé le récipiendaire. Il avait la réputation de joindre les avantages extérieurs aux talents dont la nature l’a doté. Sa figure, en effet, est noble et douce. Une voix claire, pure, et d’une expression touchante, quoique un peu monotone, semble convenir parfaitement à ses vers. Elle a été faite pour les dire. » On sent ici la pointe. Thiers analyse ensuite l’éloge de Daru, la courte réplique de Cuvier, des strophes de Lebrun sur le ciel d’Athènes et le mont Parnasse. Il constate que Lamartine est fréquemment applaudi, et finit ainsi : « Au reste, faut-il le dire, nous ne croyons jamais voir dans les rangs des ennemis de la liberté, un talent si généreux et si élevé ». Thiers pronostique juste ; mais se doute-t-il à quel point Lamartine le distancera dans ses opinions politiques ?

En tous cas, il ne prévoit pas qu’en mai 1848, Lamartine emploiera tous les moyens imaginables pour faire échouer son élection, partout où il sait que Thiers se porte candidat.

La séance levée, la foule entoure et félicite le récipiendaire. Il offre le bras à Delphine Gay, et, avec elle, sort de la salle, puis traverse la cour. Elle le lui rappellera par la suite : « J’étais bien fière ce jour-là, et toutes les femmes étaient bien envieuses de moi[1]. »

  1. Mme de Girardin : Œuvres, I, p. 303-309. — Maritain : Lamartine et Madame de Girardin, p. 260-264.— Louis Barthou . : l’Élection de