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SANS FAMILLE

— Il y a un règlement de police ; vous devez le connaître.

Nous étions en train de jouer le Malade purgé, et comme c’était la première représentation de cette comédie à Toulouse, notre public était plein d’attention.

L’intervention de l’agent provoqua des murmures et des réclamations.

— N’interrompez pas !

— Laissez finir la représentation.

Mais d’un geste, Vitalis réclama et obtint le silence.

Alors ôtant son feutre dont les plumes balayèrent le sable tant son salut fut humble, il s’approcha de l’agent en faisant trois profondes révérences.

— L’illustrissime représentant de l’autorité n’a-t-il pas dit que je devais museler mes comédiens ? demanda-t-il.

— Oui, muselez vos chiens et plus vite que ça.

— Museler Capi, Zerbino, Dolce, s’écria Vitalis s’adressant bien plus au public qu’à l’agent, mais votre seigneurie n’y pense pas ! Comment le savant médecin Capi, connu de l’univers entier, pourra-t-il ordonner ses médicaments purgatifs pour expulser la bile de l’infortuné M. Joli-Cœur, si ledit Capi porte au bout de son nez une muselière ? encore si c’était un autre instrument mieux approprié à sa profession de médecin, et qui celui-là ne se met point au nez des gens.

Sur ce mot, il y eut une explosion de rires et l’on entendit les voix cristallines des enfants se mêler aux voix gutturales des parents.