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SANS FAMILLE

Le tonnerre roulait dans le lointain et ses grondements se rapprochaient rapidement se mêlant à des éclats stridents.

Étiennette et moi nous avions pris Lise par la main, et nous la tirions après nous, mais elle avait peine à nous suivre, et nous ne marchions pas aussi vite que nous aurions voulu.

Arriverions-nous avant l’orage ?

Le père, Benjamin et Alexis, arriveraient-ils ?

Pour eux, la question était de toute autre importance ; pour nous, il s’agissait simplement de n’être pas mouillés, pour eux de mettre les châssis à l’abri de la destruction, c’est-à-dire de les fermer pour que le vent ne pût pas les prendre en dessous et les culbuter pêle-mêle.

Les fracas du tonnerre étaient de plus en plus répétés, et les nuages s’étaient tellement épaissis qu’il faisait presque nuit ; quand le vent les entr’ouvrait, on apercevait çà et là dans leurs tourbillons noirs des profondeurs cuivrées. Évidemment ces nuages allaient crever d’un instant à l’autre.

Chose étrange, au milieu des éclats du tonnerre nous entendîmes un bruit formidable qui arrivait sur nous, et qui était inexplicable : il semblait que c’était un régiment de cavaliers qui se précipitaient pour fuir l’orage : mais cela était absurde ; comment des cavaliers seraient-ils venus dans ce quartier ?

Tout à coup la grêle se mit à tomber ; quelques grêlons d’abord qui nous frappèrent au visage, puis presque instantanément, une vraie avalanche ; il fallut nous jeter sous une grande porte.