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SANS FAMILLE

vaient-ils de temps en temps se secouer, tandis que ce moyen naturel n’étant pas fait pour moi, je devais marcher sous un poids qui m’écrasait et me glaçait.

— T’enrhumes-tu facilement ? me demanda mon maître.

— Je ne sais pas ; je ne me rappelle pas avoir été jamais enrhumé.

— Bien cela, bien ; décidément il y a du bon en toi. Mais je ne veux pas t’exposer inutilement, nous n’irons pas plus loin aujourd’hui. Voilà un village là-bas, nous y coucherons.

Mais il n’y avait pas d’auberge dans ce village, et personne ne voulut recevoir une sorte de mendiant qui traînait avec lui un enfant et trois chiens aussi crottés les uns que les autres.

— On ne loge pas ici, nous disait-on.

Et l’on nous fermait la porte au nez. Nous allions d’une maison à l’autre, sans qu’aucune s’ouvrît.

Faudrait-il donc faire encore, et sans repos, les quatre lieues qui nous séparaient d’Ussel ? La nuit arrivait, la pluie nous glaçait, et pour moi je sentais mes jambes raides comme des barres de bois.

Ah ! la maison de mère Barberin !

Enfin un paysan plus charitable que ses voisins, voulut bien nous ouvrir la porte d’une grange. Mais avant de nous laisser entrer il nous imposa la condition de ne pas avoir de lumière.

— Donnez-moi vos allumettes, dit-il à Vitalis, je vous les rendrai demain, quand vous partirez.

Au moins nous avions un toit pour nous abriter et la pluie ne nous tombait plus sur le corps.