Page:Maman J. Girardin.pdf/256

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ans ne s’étaient peut-être pas vus quarante fois. C’est de la concurrence qu’on vous fait: prenez garde. Et puis, qu’est-ce que j’entends dire ? les de Minias vont donner un grand bal.

—Oh ! une simple sauterie, dit Mme Gilbert, ne sachant si elle devait prendre au sérieux tout ce que venait de dire le vieux magistrat.

— Une simple sauterie, soit ! Demandez à qui vous voudrez combien de « simples sauteries » ils ont données depuis qu’ils sont en ménage. Je suis sûr que pas une des cinq chanoinesses n’a dansé un quadrille de sa vie. On leur a appris à danser, parce que la danse est inscrite dans l’ancien programme d’éducation, parce que c’est l’usage, parce que cela est censé donner de l’aisance aux mouvements.

— Je vous assure que vous m’effrayez, dit sérieusement Mme Gilbert. Mme de Minias m’a parlé de cela d’une façon si naturelle, que je crains de ne lui avoir pas témoigné assez vivement ma reconnaissance.

— Ne craignez rien, madame, je connais Mme de Minias depuis son mariage ; aussi elle a confiance en moi: elle m’a raconté le service que vous lui avez rendu de si bonne grâce. Soyez persuadée qu’elle trouvera bien tout ce que vous ferez et tout ce que vous direz. Ah ! à propos de cette sauterie, il y a une petite chose dont je dois vous prévenir, afin que vous ne paraissiez pas trop surprise. Il y aura des danseuses à revendre, mais très peu de cavaliers.

— Pourquoi donc ? demanda Mme Gilbert.

— Parce que les jeunes gens, dès qu’ils sont majeurs, émigrent vers des villes moins mortes que la Silleraye.

— Mais la Silleraye n’est pas une ville morte.

— Je comprends votre objection. Vous portez la vie avec vous, soit dit sans compliment, et vous ne pouvez pas vous douter de la révolution que vous êtes en train de faire. Mais revenons à notre sauterie : vous aurez un cavalier pour quatre danseuses, et encore on a battu le rappel ; Mme de Servan fait venir un de ses neveux de Tours ; moi, je fournis un substitut, et de Minias s’exécutera en personne. Si le capitaine Maulevrier est danseur, vous ferez bien de le requérir ; on vous en saura un gré infini. Dites à votre mari d’écrire au capitaine ; et savez-vous ce qui vaudrait encore mieux, ce serait de lui donner carte blanche pour amener ceux de ses