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créés en Égypte par Joseph. Si l’on n’y prend pas garde, ce qui était et ne devrait être que l’appoint nécessaire dans certaines années pour combler les vides laissés dans l’approvisionnement par une mauvaise récolte deviendra le principal.

La zone productrice de blé, the great wheat belt, est une large bande qui s’étend horizontalement, sur la carte, des Alleghanys aux montagnes Rocheuses. Elle est bornée au nord par le 46e ou le 47e parallèle. Plus haut, il fait généralement trop froid ; au sud, elle ne dépasse guère le 27° degré. Il est bon d’ajouter qu’à peine la dixième partie de cette région, si heureusement douée, est en culture. Le reste est encore à l’état de prairie.

Tout ce pays est relativement très peu peuplé. Ses productions doivent s’écouler vers l’Est, puisque c’est là que se trouve le consommateur américain ou européen. Il a donc fallu trouver un point central où les marchands de l’Ouest pussent se rencontrer avec les clients de l’Est.

Partout et de toute antiquité, la force des choses a désigné à l’homme certains de ces points destinés à devenir le lieu du rendez-vous des peuples. Byzance, en Europe ; Alexandrie, en Afrique ; Han-kow, en Asie, sont les types les plus connus de ces lieux privilégiés. Mais nulle part, peut-être, la nature n’a plus clairement indiqué son choix qu’à Chicago.

Du côté de l’Ouest, les immenses plaines se déroulaient devant l’ingénieur. Il n’a eu que la peine de poser les rails pour pouvoir y lancer des trains, qui amènent à la porte des magasins de la ville tous les produits de la prairie. Leur expédition vers l’Est est assurée par des moyens encore plus simples. Il suffit de regarder une carte pour voir que le Michigan, l’Huron, l’Érié et l’Ontario sont de véritables mers intérieures, d’une grande profondeur, communiquant toutes entre elles, et dont le débouché vers l’Atlantique serait assuré par le Saint-Laurent, si la cascade du Niagara ne devait pas imposer un déchargement coûteux aux marchandises. Cet obstacle a déjà depuis longtemps été supprimé par la création d’un canal à dix écluses, qui réunit l’Érié à l’Ontario, en tournant les chutes.

Aucune ville maritime, n’offre un aménagement plus complet et mieux entendu que Chicago. L’atterrissage était des plus faciles, car la côte est très saine, et l’on trouve des fonds de dix ou douze brasses tout près du bord. Les trois rivières, profondes de sept à huit mètres, fournissaient un admirable port naturel auquel il ne manquait que des quais. L’entrée seulement était quelquefois rendue un peu difficile par les grandes brises du nord et du nord-est. On a remédié à cet inconvénient par la construction de trois jetées munies de phares qui créent une rade artificielle, dont la disposition rappelle un peu celle de Cherbourg.

Dans l’intérieur de la ville, les rivières ont été garnies de quais offrant un développement énorme qui a encore été augmenté, sur