Page:Mangin, La force noire, Hachette, 1910.djvu/307

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de notre race dans le maniement des troupes indigènes est très ancienne ; dès le xviiie siècle, elle nous a servi dans l’Inde et au Canada, même contre un ennemi européen. Elle vient d’une politesse supérieure, qui fait parler à chacun comme il aime qu’on lui parle, de la bonhomie cordiale de notre peuple[1], qui dégénère même en familiarité. Nous n’éprouvons pas le besoin d’une différenciation extérieure qui parait forcément une marque de mépris et par lequel d’autres civilisés éloignent d’eux leurs protégés. Nul doute par conséquent que l’armée métropolitaine ne contienne de nombreux officiers et sous-officiers très capables d’acquérir les qualités spéciales que nécessite l’encadrement des Sénégalais. Mais nous avons déjà ces officiers et sous-officiers dans l’armée coloniale, qui ont fait leurs preuves, qui ont vu les noirs dans leurs villages, qui les comprennent et savent les écouter et leur répondre, et qui sont dans leur corps même le produit d’une sélection[2]. Ils ne sont pas d’essence différente de leurs camarades, mais ils sont spécialisés, et c’est un grand avantage. Beaucoup d’entre eux ont conduit les Sénégalais au feu ; certains, blessés à leur tête, ont leur légende. Ce serait folie de détruire ce lien de sang qui relie les soldats au

  1. Les Chinois, observateurs et caustiques, avaient caricaturé les soldats de l’expédition internationale de Chine en 1900. Le soldat italien, son énorme plumet de bersaglier ébouriffé, retroussait fièrement sa moustache ; le soldat allemand se précipitait, la baïonnette croisée, en roulant des yeux féroces, etc., le soldat français, souriant, tenait un bébé chinois dans chaque bras.
  2. Le feuillet de notes des officiers et sous-officiers coloniaux porte une mention spéciale : aptitude à servir aux troupes indigènes, langues indigènes parlées, fonctions politiques et administratives remplies, santé aux colonies.