Page:Mangin, La force noire, Hachette, 1910.djvu/332

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nous avons donné une patrie. Et en Algérie, après soixante-dix ans, peut-on encore parler de la conquête, alors que la génération des conquérants a entièrement disparu, et que les vainqueurs eux-mêmes proposaient d’appliquer en Algérie nos lois militaires[1] ? Est-ce bien à leurs successeurs de se montrer plus fiers, ou de se réclamer d’un droit de conquête aujourd’hui périmé ?

À peine l’unité allemande avait-elle été forgée par le fer et le feu, que les populations vaincues de l’Allemagne du Sud et du Hanovre ont été employées contre nous, avec les contingents polonais et danois, pour conquérir par la force l’Alsace-Lorraine, dont les populations françaises ont été aussitôt enrôlées, pour porter éventuellement les armes contre leur véritable patrie. Projetons-nous rien de semblable ?

Nos soldats berbères, arabes et noirs ont fait leurs preuves en Europe, sur les champs de bataille de la Crimée, de l’Italie et de la France. Aucune comparaison n’est possible entre nos régiments sénégalais et les hordes cosaques, kalmouckes et khirghizes employées contre nous à plusieurs reprises, et notamment par les Alliés en 1814 et 1815, sur notre sol. On est toujours le barbare de quelqu’un, et il s’agit d’enrôler uniquement des populations parvenues depuis longtemps à un certain degré de civilisation et qui ont rapidement progressé à notre contact. C’est seulement dans une ou deux générations et après une certaine assimilation que nous pourrons faire appel au reste de notre domaine africain,

  1. Le projet du général Renault-Morlière date de 1845.