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Tous ceux dont l’oreille est si tendre,
Tous ceux dont l’œil est si perçant,
Épris d’un idéal absent,
Voudraient mieux voir et mieux entendre !

L’artiste lutte obscurément
Au plus profond de sa cervelle :
Chaque beauté qu’il nous révèle
Garde le secret d’un tourment.

Ce qu’il nous prodigue et nous livre,
C’est sa substance, c’est sa chair !
Son moindre rêve coûte cher :
Il meurt dans sa toile ou son livre !

Tant de visions, dans les airs
Flottant au hasard confondues,
Tant de sonorités perdues
Qu’on voudrait fixer en concerts

Tant de tableaux qu’on voudrait peindre,
De parfums qu’on voudrait humer,
De formes qu’on voudrait aimer,
D’horizons qu’on voudrait atteindre,