Page:Marais - La Maison Pascal.djvu/107

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n’avais pas le feu sacré, oh ! non… Et si j’obtins mon premier prix de comédie à dix-huit ans, je le dus plutôt à l’influence que ma mère possédait sur certains membres du jury qu’à mes efforts peu méritoires. Nos goûts ne sont point innés : c’est la vie qui les fait naître, et leur essence contradictoire nous inspire des préférences opposées à notre entourage. Jetée dans un milieu où les mœurs, les unions et les opinions sont des plus libres, j’eus la vocation d’une existence régulière. J’enviais le sort paisible des petites bourgeoises honnêtes. Je ressentais une horreur pour ce théâtre hypocrite où les acteurs pleurent des larmes factices, avec la sincérité d’une cuisinière qui épluche ses oignons ; où les rires sonnent faux tandis que les lèvres crispent leurs grimaces étudiées… Ah ! l’énervante comédie !… Et surtout, je désirais ardemment me marier ; c’était le but caché que je m’efforçais d’atteindre. D’abord, parce qu’il paraissait inaccessible : fille naturelle d’une maman légère, j’étais vouée aux aventures de hasard. N’importe, la difficulté m’excitait.