Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/246

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de pêcheurs de moules. Des petites Trouvilloises, la jupe retroussée, découvrant des pattes maigres et noires chaussées d’espadrilles trouées, remplissent leurs sacs, détachant adroitement les mollusques des rochers ; et, brillant dans leur frimousse hâlée, leurs prunelles d’eau claire lancent un coup d’œil moqueur vers les Parisiennes en costume de bain, venues là comme à une partie de plaisir.

Devant moi, une gamine coiffée d’un grand paillasson enfoncé, espèce de panier renversé d’où s’échappent quelques boucles brunes, s’escrime contre une moule récalcitrante, arc-boutant son petit couteau à l’excavation de la pierre glissante. Elle a beau me tourner le dos, je la décrète villégiaturiste, rien qu’à la blancheur de ses jambes fines, à la cheville mince, au mollet potelé. Ses pieds trempent dans l’eau ; ils sont chaussés de cothurnes de toile ; leurs doigts flexibles apparaissent en transparence comme d’aquatiques fleurettes roses ; des branches visqueuses d’algues emmêlées les entourent d’un feuillage humide. Je commence à comprendre le poète hindou qui compare les pieds de sa maîtresse à deux nénuphars.