Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/380

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Ah !… sa voix basse, voilée, assourdie, me renseigne… ainsi que ses yeux brillants et ses lèvres tremblantes…

Paul vient d’éprouver, foudroyant comme une révélation, cette instinct égoïste, invincible et magnifique de la Nature — naissant afin de reproduire, plantant une graine à la place où la fleur a été cueillie — qui, devant le spectacle de la mort, nous inspire un furieux besoin de vivre — et d’aimer.

L’emblème de la puissance, de la jouissance et de la destruction, s’incarne en mon corps fragile. C’est l’humanité tout entière, avec ses appétits divers, ses exigences cruelles, que Paul croit posséder à cet instant. À mes lèvres offertes, il puise lentement la vie même… à mes seins dressés, il renouvelle le rite profane du premier appel de l’être vers sa première subsistance… ses morsures passionnées, meurtrissant ma chair tressaillante, symbolisent la lutte des races… et, stimulé par la pensée du cadavre proche, son désir, labourant ma substance créatrice et meurtrière qui suscita l’œuvre de mort — engendre peut-être une autre vie. Ô joie tristement voluptueuse de l’homme, où ses spasmes de plaisir et son épuisement