Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/98

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M’inclinant vers la gentille frimousse tourmentée, je questionne doucement :

— C’est donc vous, Sylvie ?

Elle me jette un regard d’angoisse et frissonne, d’un joli sursaut de pudeur douloureuse :

— Oh !… Il vous a même dit mon nom !

Comme je la comprends, à ce moment : pauvre petite ! La tendresse émue qu’expriment mes yeux force sa défiance : elle me dévisage d’un air surpris ; ses traits se détendent ; ses prunelles claires reprennent leur candeur. Ma frêle ennemie s’humanise sous l’influence de ma sympathie, et déclare subitement d’une voix troublée, un peu balbutiante :

— Écoutez, madame… Je vais tout vous raconter… Julien, c’est mon fiancé, n’est-ce pas… Et je l’aime. C’est le seul être qui se soit occupé de moi. La première fois qu’il est venu, avec son père, passer la soirée à la maison, j’ai été si contente de rencontrer un compagnon jeune : quand j’étais petite, on me défendait d’avoir des camarades, parce que ma santé maladive m’interdisait leurs jeux bruyants ; plus tard, je n’ai connu que de vieux amis à papa qui parlaient toujours politique. Ça rend