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sabine

tout cela, l’argent ! Comprends-le donc, car ce n’est pas autre chose qu’un Dieu, un Dieu barbare, qui s’incarne dans ces moyens de représailles, quand on refuse de l’adorer…

Et, s’abandonnant à son délire, elle ajouta d’un ton plus âpre :

— Que parlons-nous d’amour, hélas ! que parlons-nous de joie ! n’est-ce pas l’argent qui crée les forces sociales ? n’est-ce pas lui qui a inventé l’Église, qui prime dans l’État ? Les magistrats ont-ils jamais condamné l’homme puissant ? ne sont-ils pas ses valets ? n’ont-ils pas innocenté les faussaires, quand de ces mêmes doigts qui avaient tracé des faux, ils ont vu l’or prêt à ruisseler ? Ne s’agenouilleraient-ils pas en face des excréments des riches, pour y adorer jusqu’aux traces des choses chères, triturées dans leurs intestins ? Et, parce que j’en manque, de cet or, faut-il que je sois à jamais condamnée à l’opprobre ? Ah ! dis-le, dis, faut-il que ce soit là ma vie ?… Regarde cette boue qui est à ma robe ; l’étoffe trempée a bu la souillure, mais mon âme ne la boit pas, elle… Et quant à l’art auquel tu t’es voué…

Il l’interrompit menaçant :

— Tais-toi ! fit-il, tais-toi, tu blasphèmes.

Mais elle, marchant le poing crispé vers le chevalet d’Henri, comme si elle avait dû en crever la toile :

— L’art ! continua-t-elle, l’art ! Je le renie, je le bafoue. Le Dieu qui préside à ses destinées n’est