Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/175

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sation avec ses invités, de poursuivre ses méditations ; ensuite, ainsi que je me trouve le savoir, pour la raison spéciale qu’il désirait respirer exclusivement par les narines, chose qu’il n’aurait pu faire s’il avait été obligé d’ouvrir continuellement la bouche en causant. La raison de ce désir était que l’air atmosphérique ainsi entraîné par un plus long circuit et arrivant donc aux poumons moins rude et à une température un peu plus élevée, devait être moins apte à les irriter. Par une stricte persévérance dans cette pratique, qu’il recommandait constamment à ses amis, il se flattait d’une longue immunité de rhumes, enrouements, de catarrhes et toutes sortes d’incommodités pulmonaires : et le fait est que ces désagréables indispositions l’attaquaient bien rarement. J’ai trouvé moi-même qu’en suivant seulement cette règle par occasion, ma poitrine en devenait plus résistante.

À son retour de promenade, il s’asseyait à sa table de travail et lisait jusqu’au crépuscule. Durant cette période de lumière douteuse, si amie de la pensée, il restait en tranquille méditation sur ce qu’il venait de lire, pourvu que le livre le valût. Sinon, il faisait le plan de sa leçon du jour suivant ou de quelque partie de l’œuvre qu’il était alors en train d’écrire. Pendant cet état de repos, il s’établissait, hiver comme été, auprès du poêle, regardant par la fenêtre la vieille tour de Lœbenicht, non point qu’on pût dire proprement qu’il la voyait, mais la tour reposait sur son œil, comme une musique éloignée sur l’oreille, obscurément, en demi-conscience. Il n’y a point de paroles qui semblent assez fortes pour exprimer le sens de reconnaissance du plaisir qu’il tirait de cette vieille