Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/224

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il repoussait ses draps et se découvrait. Je les replaçais constamment. Dans une de ces occasions je m’aperçus que tout le corps et les extrémités devenaient déjà froids et que le pouls était intermittent.

À trois heures un quart, le dimanche matin 12 février 1804, Kant s’étendit comme s’il prenait position pour son acte final, et s’établit dans la posture précise qu’il conserva jusqu’au moment de la mort. Le pouls n’était plus perceptible maintenant au toucher ni aux mains, ni aux pieds, ni au cou. J’examinai toutes les parties où il y a un battement du pouls et n’en trouvai qu’à la hanche gauche où il continuait de battre avec violence, mais souvent intermittent.

Vers dix heures du matin, Kant subit une remarquable transformation : son œil devint rigide ; son visage et ses lèvres se décolorèrent par une pâleur cadavérique. Pourtant telle était l’intensité des habitudes de sa constitution qu’aucune trace ne parut de la sueur froide qui accompagne régulièrement la dernière agonie mortelle.

Il était près de onze heures quand le moment de la dissolution s’approcha. Sa sœur était debout au pied du lit ; le fils de sa sœur au chevet ; moi, afin d’observer toujours les fluctuations de son pouls, j’étais agenouillé à son côté et j’appelai son domestique pour venir voir la mort de son bon maître. La dernière agonie maintenant allait se terminer, si on peut appeler agonie ce qui n’était point une lutte. Précisément à ce moment son distingué ami, que j’avais fait demander, M. R.-R.-V, entra dans la chambre. D’abord la respiration devint plus faible, puis elle se fit irrégulière, puis il y eut intermittence