Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/226

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sa requête, je lui avais franchement dit que ces dispositions me placeraient comme exécuteur testamentaire dans un grand embarras, parce que très probablement les circonstances rendraient presque impossible de les accomplir. Sur quoi Kant déchira le papier et laissa le tout à ma discrétion. En effet, je prévoyais que les étudiants de l’Université ne se laisseraient pas priver de cette occasion de témoigner leur vénération par des funérailles publiques. L’événement montra que j’avais raison. La cité de Kœnigsberg n’avait jamais vu et ne vit plus de funérailles telles que furent celles de Kant, aussi solennelles et aussi magnifiques. Les gazettes publiques et les brochures, etc., ont rendu compte si minutieusement des détails que je marquerai seulement les grands traits de la cérémonie.

Le 28 février, à deux heures de l’après-midi, tous les dignitaires de l’Église et de l’État en résidence à Kœnigsberg ou venant des parties les plus éloignées de la Prusse s’assemblèrent à la chapelle du château ; de là ils furent escortés par le corps entier de l’Université en robe d’apparat et par beaucoup d’officiers supérieurs qui avaient toujours eu beaucoup d’affection pour Kant, jusqu’à la maison du professeur mort. Le corps fut levé à la lumière des torches, tandis que les cloches de toutes les églises de Kœnigsberg sonnaient le glas, puis porté à la cathédrale, éclairée par d’innombrables cierges. Un prodigieux cortège suivait à pied. À la cathédrale, après l’ordinaire rite funéraire accompagné de toutes les expressions possibles de vénération nationale pour le mort, il y eut un grand service musical très admirablement exécuté, puis les restes mortels de Kant furent descendus dans la crypte académique, et là