Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/234

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Quare ?

Qu’ont-ils donc obtenu, tous ces puissants prophètes ?
La mort a-t-elle omis de renverser leurs têtes ?
Mahomet et Moïse, Abraham et Jésus,
Qu’ont-ils donc obtenu depuis qu’ils ne sont plus ?
Tout est vain, tout est faux, et rien n’est véritable,
Toutes les religions sont des tours sur du sable
Mouvant. Quelle est la bonne ? Ah ! voilà l’embarras !
Choisissez, choisissez, c’est un bon débarras,
Que de n’en avoir qu’une, et renverser les autres !
Mais qui peut accuser tous ces martyrs apôtres
De mensonge ? — Eh, c’est Dieu ! — De lui vient la pensée,
Pourquoi déferait-il une œuvre commencée ?
Pourquoi n’a-t-il donc pas à l’homme sur la terre
Donné sa religion ? Devrait-elle être austère,
Gaie, joyeuse ou triste ? Ah ! pour moi je n’en sais rien !
Si Dieu vraiment existe, il semble aimer donc bien
Le carnage et la mort ! S’il est bon, qu’il empêche
De se tuer pour lui ! Qu’il dise si je pèche
Ou bien si je dis vrai ! Il lui suffit d’un mot
Pour arrêter la mort… Mais ce n’est pas le lot
De qui veut de pouvoir admirer des miracles,
Il faut tout préparer, ou sinon, des débâcles !

Janvier 1881.

Amour d’enfant

Je n’avais que quinze ans — l’âge des illusions.
J’étais dans le jardin, le seul que nous eussions
À Paris. Je la vis, et je la vois encore.
Brune, aux longs cheveux noirs… Son nom était Lénore