Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/87

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vue d’un désespoir plus profond pour se consoler, je quittai les déserts d’Arabie — je revins vers mes chênes touffus.

Et lorsque j’arrivai au pays, je cherchai ma forêt sombre longtemps, longtemps ; mais je ne pus la trouver, car à sa place s’étendait un pré verdoyant ; et un lac reflétait dans ses eaux limpides un bosquet de vieux chênes verts. Et près du lac aux eaux claires, il y avait un vieux tombeau tout gris, et une chouette de pierre était perchée sur les dalles, mais les pierres n’étaient plus moisies et la statue était couronnée de fleurs.

Et quand je demandai à mon vieil ami, le Rossignol, ce qu’étaient devenus mes vieux chênes et ma clairière solitaire et mon étang tout noir, voici ce qu’il me chanta : “Quand tu partis, ô pigeon voyageur, tout était sombre et noir, et voici que tu es revenu, et tout est clair et verdoyant.”

“Car les amants sont venus tous deux, sous le feuillage noir, et ils ont frissonné à la vue de cette désolation.

“Cependant, lorsqu’ils entrèrent dans la clairière, un rayon de soleil, le premier depuis bien longtemps perça le feuillage.

“Et les eaux noires le reflétèrent et ce rayon les transforma et les eaux devinrent claires et limpides.

“Et la forêt noire devint prairie verdoyante, et le vieux tombeau se transforma et les deux amants s’appartinrent pour toujours.”