Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/103

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agression, qu’il ne pouvait prévenir qu’en se hâtant de faire un exemple : mais il fallait se presser d’agir. Il cherchait dans son esprit un moyen de dérober sa marche aux ennemis, afin de les surprendre, et de fondre sur eux à la première occasion favorable.

(2) Voici à quoi il se décida, et l’événement fit voir combien son plan était habile. D’abord il tint sa résolution secrète, et, sous prétexte d’une ambassade à Hortaire, l’un des rois en paix avec nous, et qui était voisin du pays où l’on remuait, il lui envoya Hariobaude, tribun sans commandement, d’une valeur et d’une fidélité éprouvée. De là cet officier, qui parlait bien la langue des barbares, pouvait facilement s’approcher de la frontière, et surveiller les mouvements de l’ennemi. Hariobaude accepta résolument la mission.

(3) De son côté, Julien, dès que la saison d’entrer en campagne fut venue, rassembla ses troupes et se mit à leur tête. Il tenait beaucoup, avant que les hostilités ne fussent trop engagées, à reprendre et mettre en état de défense un certain nombre de villes fortes, dont la destruction datait déjà de loin. Il avait aussi à rétablir ses magasins de subsistances qui avaient été incendiés, et où il se proposait de recueillir les envois de grains ordinaires de la Bretagne.

(4) Tout cela fut exécuté avec une célérité incroyable. Les magasins, construits en un clin d’œil, regorgèrent aussitôt de vivres ; sept villes furent occupées, savoir, le Camp d’Hercule, Quadriburgium, Tricésime, Novesium, Bonna, Antennacum, et Bingion. Là, il fut rejoint à propos par Florence, préfet du prétoire, qui lui amenait un renfort et des vivres pour une longue campagne.

(5) Restait à réédifier les murailles des sept villes, opération essentielle, et qu’il était urgent d’achever pendant que rien encore n’y mettait obstacle. On put juger en cette occasion de l’ascendant qu’avait pris Julien par la crainte sur les barbares, et par l’amour sur ses soldats.

(6) Les rois alamans, fidèles au pacte conclu l’année précédente, envoyèrent dans des chariots une partie des matériaux nécessaires aux constructions ; et l’on vit même les soldats auxiliaires, si récalcitrants pour cette espèce de service, se prêter avec ardeur au désir de leur général, jusqu’à porter gaiement sur leurs épaules des solives de cinquante pieds et plus, et aider de tout leur pouvoir au travail des constructions.

(7) L’oeuvre touchait à son terme, lorsque Hariobaude revint rendre compte de sa mission. Son arrivée fut le signal du départ. Toute l’armée se mit alors en marche pour Mogontiacum, où s’éleva une très vive contestation ; Florence et Lupiein, qui avait succédé à Sévère, soutenant qu’il fallait jeter là un pont pour passer le fleuve ; et Julien s’y refusant avec une persistance inébranlable, par la raison que si on mettait une fois le pied sur le territoire des rois avec qui nous étions en paix, les habitudes dévastatrices du soldat entraîneraient indubitablement la rupture des traités.

(8) Cependant la fraction du peuple alaman contre qui l’expédition était dirigée, voyant le péril s’approcher, enjoignit avec menaces au roi Suomaire, l’un de ceux compris dans le traité précédent, de nous empêcher de franchir le Rhin. Ses