Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/105

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frères, les rois Macrien et Hariobaude, qui avaient senti venir l’orage, et s’étaient empressés de le conjurer.

(16) Cet exemple fut immédiatement suivi par le roi Vadomaire, dont les possessions touchaient à Rauraque, et qui fit valoir une lettre très vive de Constance en sa faveur. Il fut accueilli avec les égards dus à un prince dès longtemps adopté par l’empereur comme client du peuple romain.

(17) Macrien se voyait, ainsi que son frère, pour la première fois au milieu de nos aigles et de nos étendards ; et, frappé d’étonnement par la tenue de nos troupes et la splendide variété des armes, il s’empressa de demander grâce pour les siens. Vadomaire, qui était notre voisin, et dès longtemps en relation avec nous, ne laissait pas d’admirer notre appareil militaire, mais en homme pour qui tout cet éclat n’était pas absolument nouveau.

(18) Après une longue délibération, on s’accorda enfin à concéder la paix à Macrien. Quant à Vadomaire, comme il avait encore mission, outre le soin de ses intérêts propres, de solliciter au nom des rois Urie, Ursicin et Vestralpe, la réponse souffrait des difficultés. Les conventions ne lient guère les barbares. Un traité conclu par intermédiaire aurait-il assez de force près de ceux-ci dès qu’ils ne seraient plus contenus par la présence de l’armée ?

(19) Mais quand on eut brûlé leurs moissons et leurs demeures, tué ou pris une partie de leur monde, ils s’empressèrent de négocier par mandataires directs, et supplièrent du même ton que s’ils eussent eu à se reprocher les ravages dont ils étaient les victimes. Cette contrition leur valut la paix aux mêmes conditions qu’aux autres. On leur imposa surtout la remise immédiate de tous les prisonniers qu’ils avaient faits dans leurs excursions.

Chapitre III

(1) Tandis que la divine providence rétablissait ainsi nos affaires dans les Gaules, une nouvelle tourmente politique allait s’élever au sein de la cour, et le plus frivole incident servait de prélude à des scènes de deuil et de larmes. Un essaim d’abeilles s’était montré dans la maison de Barbation, général de l’infanterie. Celui-ci, tout inquiet de ce présage, consulta les adeptes en la science divinatoire. On lui répondit qu’il était à la veille de quelque grand événement. Ce pronostic est fondé sur l’usage d’enlever les abeilles du lieu où elles ont déposé le produit de leur industrie, soit en les enfumant, soit en faisant un grand bruit de cymbales.

(2) La femme de Barbation, qui se nommait Assyria, était aussi indiscrète qu’imprudente. Son mari, que cette prédiction préoccupait singulièrement, étant absent pour une expédition, voilà que, dans son inquiétude de femme, elle s’avisa de lui adresser étourdiment une lettre larmoyante, où elle le conjurait, comme allant succéder à Constance (dont elle tenait la mort pour très prochaine), de ne point lui préférer l’impératrice Eusébie, malgré la transcendante beauté de cette princesse. Assyria s’était servie à cet effet de la main d’une esclave très habile à écrire en chiffres, et qui lui était échue de la succession de Silvain.

(3) La lettre fut expédiée avec tout le secret possible. Mais, au retour de l’expédition, l’esclave qui l’avait écrite sous la dictée de sa maîtresse s’évada une nuit, et fut recueillie avec empressement par Arbition, à qui elle en livra une copie.

(4) Celui-ci n’eut garde de manquer une si belle occasion d’exercer ses talents ; et, la pièce en main, il alla droit à l’empereur. On instruit l’affaire en courant, comme de coutume. Barbation, qui ne put nier d’avoir reçu