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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/121

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les filets, et n’ose s’élancer à leur secours.

Chapitre IV

(1) Mais dans la ville, dont les rues étaient jonchées de morts, quand les bras manquèrent pour l’inhumation de tant de cadavres, aux maux qu’on souffrait déjà vint s’ajouter la peste, effet inévitable de tant d’exhalaisons putrides combinées avec les ardeurs de la saison et l’état maladif de la population entassée. J’ai quelques mots à dire sur les causes de ce fléau et sur ses variétés.

(2) Suivant les philosophes et les plus habiles médecins, c’est à l’excès du froid on de la chaleur, de la sécheresse ou de l’humidité, qu’on doit attribuer la peste. Dans les pays humides et marécageux, le mal se manifeste par des accès de toux et des ophthalmies ; dans les climats chauds, par une fièvre lente et des symptômes d’inflammation. Mais autant le feu l’emporte en activité sur les autres éléments, autant la sécheresse surpasse en intensité tout autre principe délétère.

(3) Témoin cette mortalité effrayante dont l’armée des Grecs se vit frappée par les traits d’Apollon, c’est-à-dire par l’action d’un soleil ardent, durant cette lutte terrible où elle s’acharna pendant dix ans, pour qu’un royal ravisseur ne jouît pas en paix du fruit de son adultère ;

(4) témoin le récit que fait Thucydide du désastre des Athéniens décimés, au début de la guerre du Péloponnèse, par ce fléau destructeur qui, né sous le ciel brûlant de l’Éthiopie, et s’avançant de proche en proche, finit par envahir l’Attique.

(5) Quelques-uns attribuent cette funeste influence à la corruption de l’air ou de l’eau, viciés par les miasmes de la putréfaction animale, ou par une cause analogue. Il est constant du moins qu’une simple variation de l’atmosphère suffit pour incommoder, quand elle est subite.

(6) D’autres voient la cause immédiate de la mort dans une suppression de la sueur, que l’air, épaissi par certaines émanations terrestres, arrête au sortir des pores. Aussi, d’après Homère, et comme l’expérience l’a constaté, lorsque la peste se déclare, les animaux en sont atteints aussi bien que les hommes, et, leur conformation les rapprochant du sol davantage, ils sont plutôt emportés.

(7) La première espèce de peste est désignée par le nom de pandémie : elle sévit presque constamment où domine la sécheresse, et se manifeste par une ardeur interne, qui ne laisse aux malades aucun repos. La seconde, connue sous celui d’épidémie, a des retours périodiques : elle trouble la vue, et altère les humeurs. La troisième, qu’on appelle loemodes, ne règne qu’accidentellement, mais frappe et tue comme la foudre.

(8) La peste d’Amida était de cette redoutable espèce. Elle n’emporta cependant parmi nous qu’un petit nombre d’individus, que l’excès de la chaleur, et la gêne résultant de l’encombrement, prédisposaient à l’invasion du fléau. Enfin, dans la nuit qui suivit le dixième jour, il survint une petite pluie, qui purgea l’air de toute influence morbifique, et nous ramena la santé.

Chapitre V

(1) Cependant notre vigilant ennemi construisait des mantelets, entourait les murs de terrasses, élevait des tours bardées de fer par devant, et dont chacune était armée d’une baliste destinée à nettoyer les remparts ; le tout pendant que ses frondeurs et ses archers nous accablaient sans interruption d’une grêle de projectiles plus légers.

(2) Il y avait dans la garnison, comme je l’ai déjà dit, deux légions récemment tirées de la Gaule, et qui avaient combattu pour Magnence. C’étaient des hommes hardis et dispos, excellents