Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/143

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obstacle dans les rues. Un certain nombre d’habitants fut d’abord massacré au hasard ; le reste, sur l’ordre de Sapor, fut pris vivant, et envoyé au fond de la Perse.

(8) La garnison, composée de deux légions, la première Flavienne et la première Parthique, d’un corps nombreux d’indigènes, et d’un détachement de cavalerie que l’apparition soudaine des Perses avait forcé de se renfermer dans la ville, fut emmenée, les mains liées derrière le dos, sans que, de notre côté, on essayât de la délivrer.

(9) La plus grande partie de nos forces, en effet, se trouvait alors réunie dans un camp qui couvrait Nisibe, et la distance ne permettait pas de rien tenter. On remarquera d’ailleurs que Singare, même dans les anciens temps, a été plusieurs fois enlevée, sans qu’on ait pu lui porter secours : la cause en est dans la disette d’eau qui règne dans le pays environnant. Et, malgré les avantages de cette forteresse comme point d’observation, on peut dire que sa possession a toujours été plutôt désastreuse pour nous, par les pertes en hommes que sa prise a trop souvent occasionnées.

Chapitre VII

(1) Après la chute de Singare, le roi prit sur la droite un chemin détourné, et laissa prudemment de côté Nisibe, se souvenant des affronts multipliés qu’il avait reçus sous ses murs. Il voulait par force ou par séduction s’assurer la possession de Bézabde, ville à qui ses anciens fondateurs avaient aussi donné le nom de Phénice. C’est une place très forte, assise sur une colline de moyenne élévation, sur le bord du Tigre, et dont la partie basse, qui est la plus faible, est munie d’une double ceinture de murailles. La garnison se composait de trois légions. La seconde Flavienne, la seconde Arménienne, et la seconde Parthique, avec un corps nombreux d’archers zabdicènes ; car c’est sur le territoire de cette nation, alors soumise à l’empire, qu’on a fondé la ville municipale de Bézabde.

(2) Le roi, pour première démonstration, vint, à la tête d’un brillant escadron de cataphractes, caracoler autour des murs de la ville, et s’approcha même assez témérairement du fossé. Accueilli à petite portée par une volée de flèches et autres projectiles, il ne fut cependant pas blessé, grâce à l’épaisse armure sous laquelle il s’abritait, comme la tortue sous son écaille.

(3) Contenant toutefois sa colère, il envoya aux assiégés une députation portant un caducée suivant l’usage, pour leur conseiller une prompte reddition s’ils voulaient sauver leurs biens et leurs vies, et les inviter à venir, ouvrant toutes leurs portes, s’humilier devant le maître des nations.

(4) Bien que les députés se fussent aventurés jusqu’à proximité des murs, la garnison ne crut pas devoir les en faire repentir ; car chacun d’eux s’était accolé l’un des plus connus par les habitants de la ville, du nombre des prisonniers faits à Singare ; et la crainte de blesser ces malheureux fit qu’aucun trait ne fut lancé. Mais les ouvertures pacifiques furent laissées sans réponse.

(5) Vingt-quatre heures se passèrent encore dans l’inaction ; mais le lendemain, avant l’aurore, toute l’armée perse franchit à la fois le fossé, et s’avança, vociférant des menaces furibondes, jusqu’au pied des murailles. Là le combat s’engage avec fureur ; les assiégés se défendent avec énergie.

(6) Un grand nombre de Parthes furent blessés en portant des échelles, ou derrière leurs mantelets qui les obligeaient d’avancer en aveugles. Mais les nôtres souffrirent beaucoup aussi ; car leurs