Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/158

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lorsque de loin il fut aperçu par les barbares, qui, dans le dessein de fondre à l’improviste sur lui, s’étaient embusqués dans une vallée. Libinon exhorte sa troupe, qui brûlait d’en venir aux mains malgré l’inégalité des forces, et attaque imprudemment les Germains. Il tomba le premier dès le début de l’action. Sa mort, en augmentant la confiance des barbares, enflamma les nôtres du désir de le venger. Mais, après un engagement très vif, ils se virent accablés par le nombre et mis en déroute, laissant des morts et des blessés sur le champ de bataille.

(4) C’était Constance, comme il est dit plus haut, qui avait traité avec ce Vadomaire et son frère Gondomade. Depuis, ce dernier était mort. Or Constance, qui comptait sur la bonne foi de Vadomaire, et sur une coopération efficace et discrète de sa part à ses secrets desseins, l’avait invité par lettre (s’il faut en croire les bruits) à commettre sur la frontière quelque hostilité, en signe de rupture. C’était un moyen d’inquiéter Julien, et de le contraindre à rester pour couvrir les Gaules.

(5) Il est donc vraisemblable que Vadomaire ne remuait en ce moment que par suite d’une impulsion donnée. Ce prince barbare avait déployé dès ses plus jeunes ans une astuce et une duplicité incroyables ; et ce caractère se montra chez lui non moins prononcé quand on l’eut nommé plus tard duc de Phénicie.

(6) Pris sur le fait en cette occasion, il crut devoir discontinuer. Mais un de ses secrétaires, porteur d’une lettre pour Constance, fut arrêté aux avant-postes de Julien. On le fouilla, et on trouva sur lui une lettre qui contenait, entre autres choses, ces mots : "Ton César devient insubordonné." Vadomaire cependant ne manquait jamais, en écrivant à Julien, de le qualifier de seigneur, d’Auguste et de dieu.

Chapitre IV

(1) La circonstance était critique. Julien prévit les embarras que pouvait lui causer cette intrigue, et, pour sa propre sécurité comme pour celle de la province, il ne songea plus qu’à s’emparer de la personne de Vadomaire. Voici quel moyen il employa.

(2) Il dépêcha de ce côté son secrétaire Philagre, qui fut depuis comte d’Orient, et dont la capacité lui était bien connue, avec diverses instructions ; y joignant une lettre cachetée, que celui-ci ne devait ouvrir que dans le cas où Vadomaire viendrait sur la rive gauche du Rhin.

(3) Philagre arrive au lieu désigné, et, tandis qu’il vaque aux soins de sa mission, Vadomaire traverse le Rhin comme en pleine paix, ayant l’air d’ignorer les atteintes qu’elle venait de recevoir. Il visite notre commandant militaire sur ce point, cause avec lui comme à l’ordinaire, et, pour mieux écarter tout soupçon, s’invite chez lui d’un dîner où devait se trouver Philagre.

(4) Ce dernier en entrant reconnaît Vadomaire. Sous prétexte de quelque affaire pressée, il retourne aussitôt à son logement, ouvre la lettre de Julien, qui lui prescrit ce qu’il avait à faire, et revient ensuite prendre place au milieu des convives.

(5) Le repas fini, Philagre saisit résolument Vadomaire au corps, et, justifiant de l’ordre supérieur qu’il a reçu, enjoint au commandant de conduire le captif au quartier, et de l’y tenir sous bonne garde. Les gens de la suite du roi, que l’ordre ne concernait pas, furent renvoyés chez eux.

(6) Vadomaire fut ensuite conduit au camp du prince, et se crut perdu, voyant le