Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/177

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jugeant qu’il n’était pas de la prudence de s’aventurer sur des conjectures que l’événement pouvait démentir.

Chapitre II

(1) Au plus fort de cette incertitude, arrivent Théolaiphe et Aligulde, députés vers lui pour lui annoncer que Constance n’était plus, et que sa dernière volonté avait été que Julien fût son successeur.

(2) Cette nouvelle, qui mettait fin à son anxiété, et le débarrassait des soucis et des agitations d’une guerre imminente, emplit son cœur de joie, en lui inspirant pour la science divinatoire une confiance sans bornes. Se rappelant alors combien la célérité l’avait servi dans ses entreprises, il donne aussitôt l’ordre de marche, franchit rapidement le versant du pas de Sucques qui regarde la Thrace, et arrive à Philippopolis, l’ancienne Eumolpiade. Tout ce qu’il y avait de soldats réunis autour de lui volait joyeusement sur ses traces,

(3) chacun d’eux comprenant à merveille qu’au lieu d’une lutte désespérée pour l’empire, il ne s’agissait plus que d’une prise de possession légitime et non contestée. La renommée, qui exalte toujours ce qui est nouveau, prêtait à Julien son prestige. Sa marche semblait celle de Triptolème, que la fabuleuse antiquité nous montre traversant les airs sur un char tiré par des dragons ailés. Armées, flottes, remparts, tout cède devant lui, et déjà il est dans Périnthe, la ville d’Hercule.

(4) Aussitôt la nouvelle parvenue à Constantinople, la population de tout âge et de tout sexe se répandit hors des murs, avec l’empressement qu’on aurait de voir un homme descendu des cieux. Il fit son entrée le 3 des ides de décembre, salué de l’hommage respectueux du sénat, et des acclamations unanimes du peuple. Un concours prodigieux de troupes et de citoyens l’escortait, avec l’ordre d’une marche militaire, tandis que sur lui seul se portaient les regards et l’admiration de cette multitude.

(5) Et en effet, ce prince homme à peine, cette petite taille, ces gigantesques exploits, ces sanglantes leçons données à tant de rois et de peuples, ces soudaines apparitions de ville en ville, où sa présence devançait toute attente, entraînant partout l’adhésion ; où sans cesse il se recrutait de forces nouvelles ; cette domination s’étendant comme la flamme, et ce trône enfin occupé comme par grâce divine, sans qu’il en coûtât une larme au pays ; tout cela semblait l’illusion d’un songe.

Chapitre III

(1) Le premier acte du nouveau règne fut d’ouvrir une série d’informations judiciaires, dont la direction fut donnée à Secundus Salustius, récemment nommé préfet du prétoire, et investi de toute la confiance de Julien. Le prince lui donna pour assesseurs Mamertin, Arbétion, Agilon et Névitte, auxquels il adjoignit encore Jovin, qu’il venait de créer maître de la cavalerie, lors de son passage en Illyrie.

(2) La commission, réunie à Chalcédoine, fit assister à ses actes les princes et tribuns des légions Jovienne et Herculienne. Si l’on excepte quelques grands coupables, punis avec justice, elle procéda généralement avec une rigueur outrée.

(3) Elle exila d’abord en Bretagne Pallade, ex-maître des offices, soupçonné seulement d’avoir, pendant sa charge, desservi par ses rapports Gallus près de Constance.

(4) Taurus, ex-préfet du prétoire, fut rélégué à Verceil pour un fait qui eût commandé l’indulgence à tout juge impartial ; car où est le crime, en temps de révolution, de chercher refuge près du souverain légitime ? Aussi personne ne put-il