Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/182

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hors de propos de donner sur ces contrées des notions qui nous sont personnelles, ou que nous avons recueillies de nos lectures.

(2) La crête élevée du mont Athos en Macédoine, qui jadis s’ouvrit pour laisser passage à la flotte de Xerxès, et l’abrupte promontoire de Capharée dans l’île d’Eubée, où vint se heurter la flotte des Grecs, par l’artifice de Nauplius, père de Palamède, malgré la distance qui les sépare, marquent la limite réciproque de la mer Égée et de celle de Thessalie. L’Égée, à partir de ce dernier point, va s’élargissant, surtout vers la droite, où les Sporades d’un côté, et de l’autre les Cyclades (ainsi nommées parce qu’elles forment cercle autour de Délos, berceau de deux divinités), lui donnent l’aspect d’un vaste archipel. Ses flots baignent à gauche Imbros et Ténédos, Lemnos et Thasos, et, quand le vent les soulève, se brisent avec fureur contre les rochers de Lesbos.

(3) Repoussés par cet obstacle, ils se rejettent sur la côte de Troade, vers le temple d’Apollon Sminthien et l’héroïque plaine d’Ilion. Plus au nord, l’Égée forme le golfe de Mélas, d’où l’on découvre dès l’entrée, ici Abdère, patrie de Protagoras et de Démocrite, là le repaire sanglant du cruel Diomède de Thrace, et l’étroite vallée où l’on voit le cours de l’Hèbre se replier sur lui-même, et remonter vers sa source ; puis Maronée et Aenos, cette plage qu’Énée aborda sous de funestes auspices, et dont il se hâta de fuir, guidé par les dieux, vers les bords de l’antique Ausonie.

(4) L’Égée ensuite se resserre, et, obéissant à une impulsion naturelle, court se joindre au Pont, dont elle s’adjoint une partie, en figurant la lettre grecque g-ph. De là, ouvrant l’Hellespont, et laissant de côté le Rhodope, elle baigne successivement Cynossème, où la tradition place les cendres d’Hécube, Coelos, Sestos et Callipolis, et sur la rive opposée, les tombeaux d’Achille et d’Ajax, Dardanie et Abydos, où Xerxès jeta un pont pour la traverser. Plus loin sont Lampsaque, présent du roi des Perses à Thémistocle, et Paros, fondée par Parius, fils de Jason.

(5) S’évasant alors des deux côtés en demi-cercle, elle repousse au loin ses rivages, et, prenant le nom de Propontide, arrose à l’est Cyzique et Dindyme, sanctuaire révéré de la mère des dieux ; puis Apamée, Cius et Astecus, dont un de ses rois, par la suite des temps, changea le nom en celui de Nicomédie. Elle rase au couchant la Chersonèse, Aegos-Potamos, où Anaxagore prédit qu’il pleuvrait des pierres, Lysimachie, et la ville fondée par Hercule en mémoire de son compagnon Périnthe.

(6) Enfin, et comme pour rendre la ressemblance du g-ph complète, au milieu de sa circonférence s’allongent les îles de Proconèse et de Besbique.

(7) Dès que ses eaux ont doublé la pointe de cette dernière, cette mer se resserre de nouveau en détroit entre l’Europe et la Bithynie, et baigne à droite Chalcédoine, Chrysopolis, et autres lieux moins connus.

(8) À gauche elle visite les ports d’Athyras, de Sélymbrie et de Constantinople, l’ancienne Byzance, colonie athénienne, et le promontoire de Céras, que surmonte un phare élevé ; ce qui a fait donner le nom de Cératas au vent froid qui souffle ordinairement de cette côte.

(9) Là s’arrête le courant, et se trouve accomplie la communication des deux mers. Alors les deux rives de nouveau s’écartent, embrassant une nappe d’eau sans limites auxquelles la vue puisse