Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/23

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de nouvelles et plus importantes dénonciations.

Gallus allait se rendre à Hiérapolis, afin d’assister à l’expédition du moins pour la forme, quand d’instantes supplications lui furent adressées par la population d’Antioche, qui le pressait de la rassurer contre le danger d’une famine que rendait trop probable une réunion de fâcheuses circonstances. C’est le cas où un pouvoir étendu doit user de ses ressources pour le soulagement des souffrances locales. Gallus ne donna point d’ordre, ne prit aucune mesure, pour faire refluer les subsistances des provinces voisines. Mais en ce moment il avait à ses côtés Théophile, consulaire de Syrie. Ce fut littéralement une victime qu’il offrit en sacrifice aux terreurs de cette multitude ; répétant avec affectation que les vivres ne pouvaient manquer qu’autant que le gouverneur le voulait bien. La populace prit ces mots pour un encouragement à des excès. Aussi le fléau ne fit pas plus tôt sentir ses rigueurs, qu’elle se porta en foule, sous l’inspiration de la colère et de la faim, vers la magnifique demeure d’Eubule, personnage en grande considération parmi les siens, et la réduisit en cendres. Déjà le gouverneur lui était comme adjugé par sentence du prince. Accablé de coups, foulé aux pieds, son corps fut enfin déchiré en lambeaux. Cette fin tragique fut pour plus d’un l’occasion d’un retour sur eux-mêmes, en leur montrant en perspective quel sort leur était réservé.

Au moment même où le meurtre se consommait, ce Sérénien dont la lâcheté, avons-nous dit, causa le pillage de la ville de Celse en Phénicie, devenu de général accusé, et accusé à juste titre, aux termes de la loi, du crime de lèse-majesté, obtenait, on ne sait comment, son absolution devant les juges. Il était établi jusqu’à l’évidence qu’un de ses gens, porteur de son propre bonnet, préalablement soumis à une opération magique, s’était présenté par son ordre à un temple où l’on prédisait l’avenir, et avait demandé au sort, en termes exprès, si son maître obtiendrait l’objet de ses vœux, l’empire sans partage. Déplorable coïncidence ! Théophile périt victime innocente de la fureur populaire ; tandis que Sérénien, digne de l’exécration universelle, est scandaleusement acquitté dans le silence de la vindicte publique.

Constance, instruit de ces faits, et prévenu déjà par les rapports de Thallasse, qui venait de payer le tribut à la nature, ne cessa pas pour cela de correspondre sur le ton de la douceur avec Gallus. Mais il commença par lui retirer peu à peu les forces dont il disposait, sous couleur d’une bien. veillante sollicitude : « L’esprit turbulent du soldat, qui toujours fermente dans l’inaction, lui faisait appréhender pour César quelque conspiration militaire. Il suffisait d’ailleurs à sa sûreté de la présence des cohortes palatines et des protecteurs, renforcés des scutaires et des gentils ». Il mandait en même temps au préfet Domitien, précédemment trésorier, de se rendre en Syrie près de Gallus, pour lui rappeler avec respect et avec mesure les invitations réitérées qu’il avait reçues de l’empereur de venir le joindre, en le pressant d’y déférer. Domitien, arrivé en toute hôte à Antioche, passe devant le palais sans se présenter à César, comme l’exigeait l’étiquette, et, en grande pompe, va droit au prétoire, où, sous prétexte d’indisposition, il reste plusieurs jours enfermé, sans mettre le pied à la cour ni paraître en public. Il ne fit durant cet intervalle que travailler à perdre César, surchargeant