Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/235

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précipita sa retraite vers Ctésiphon, ne pouvant supporter plus longtemps l’échauffement de ses armures. Nos troupes, bien qu’également harassées, ayant du matin au soir combattu sous un ciel de feu, poussèrent néanmoins les Perses, l’épée dans les reins, jusque sous les murs de le ville, où ceux-ci se jetèrent avec leurs chefs, le suréna, Pigrane et Narsès.

(13) Nos gens y seraient même entrés pêle-mêle avec les fuyards, si le duc Victor, qui avait reçu une flèche dans l’épaule, ne leur eût crié et fait signe de s’arrêter, craignant que s’ils s’engageaient une fois dans les murs, les portes ne se refermassent sur eux, et qu’ils n’y fassent accablés par le nombre.

(14) Laissons donc l’antique poésie exalter les exploits d’Hector et les trophées d’Achille ; que l’histoire redise à jamais de quel héroïsme ont fait preuve ces foudres de guerre, Sophanès et Aminias, et Callimaque et Cynégire, dans le fameux conflit de la Grèce et de l’Asie. Encore faudra-t-il avouer qu’ils ont trouvé parmi nos soldats plus d’un émule en cette journée.

(15) L’affaire était terminée ; et les soldats, foulant aux pieds les morts, et tout couverts d’un sang glorieux, se réunirent autour de la tente impériale pour payer à leur chef un tribut d’admiration et d’actions de grâce. On ne savait qui l’on devait plus louer en lui, du général ou du soldat. Deux mille cinq cents Perses, plus ou moins, avaient mordu la poussière, et nous n’avions pas à regretter plus de soixante-dix des nôtres.

(16) Julien interpella par leurs noms ceux qui, sous ses yeux, avaient le plus intrépidement payé de leur personne, et distribua des couronnes appropriées à chaque belle action.

(17) Il voyait dans ce début l’annonce d’une suite de succès, et voulut faire un ample sacrifice à Mars vengeur. Mais de dix beaux taureaux qu’on amena, il y en eut neuf (premier fâcheux pronostic) qui tombèrent morts avant d’arriver à l’autel ; et le dixième, qui rompit ses liens, et dont on eut grande peine à s’assurer, n’offrit, quand on l’eut immolé, que des signes du plus sinistre augure. À cette vue Julien fut saisi d’un accès de colère, et prit Jupiter à témoin qu’il ne sacrifierait plus à Mars. Ce serment ne fut pas rétracté, car sa mort ne tarda guère.

Chapitre VII

(1) Julien tint conseil avec ses principaux officiers sur la question de savoir si l’on mettrait le siège devant Ctésiphon. L’opinion de ceux qui connaissaient la place fut que ce serait une imprudence et une faute, vu l’assiette inexpugnable de cette place, et l’attente où l’on était d’avoir bientôt Sapor sur les bras avec une puissante armée.

(2) La raison dictait cet avis, qu’approuva le bon sens du prince. Il envoya seulement Arinthée, avec un détachement d’infanterie légère, dépouiller de leurs moissons et de leur bétail les riches campagnes environnantes, et donner en même temps la chasse aux ennemis éparpillés dans l’épaisseur des bois, ou cachés dans des retraites à eux seuls connues. Cette expédition eut pour résultat un butin considérable.

(3) Mais l’ardeur de Julien le poussait en avant, au mépris des avis contraires. Il gourmandait ses lieutenants, qui par pusillanimité, disait-il, ou par amour du repos, osaient lui conseiller de laisser inachevée la conquête de la Perse. La résolution lui prit tout à coup de s’avancer dans les terres,