Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/250

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la destruction de ses éléphants, destruction telle qu’il ne se rappelait pas en avoir éprouvé de pareille. Il commençait à s’apercevoir que l’armée romaine n’avait fait que s’aguerrir par tant de combats et de fatigues ; que depuis la mort de son glorieux chef ce n’était plus de salut qu’il était question pour elle, mais de vengeance, mais d’en finir avec les difficultés qui l’entouraient ou par une victoire décisive, ou par une catastrophe sublime.

(2) Là-dessus plus d’une réflexion alarmante. Des forces nombreuses restaient disséminées dans nos provinces ; il suffisait d’un signe pour les rassembler. Il savait par expérience quels effets produisent en Perse de pareils désastres sur le moral des populations. Nous avions d’ailleurs en Mésopotamie une réserve peu inférieure à notre armée principale.

(3) Mais il était surtout frappé de ce passage du fleuve, impunément exécuté, en dépit des grosses eaux, par cinq cents nageurs qui, après avoir égorgé les postes commis à sa garde, invitaient, de l’autre bord, leurs camarades à imiter leur audace aventureuse.

(4) De notre côté, deux jours furent misérablement perdus à lutter pour établir le pont contre la violence des eaux, et à consumer le peu qui nous restait de vivres. Exaspéré par la faim, le soldat ne demandait qu’à mourir par le fer, pour échapper à cet ignoble supplice.

(5) Mais le Dieu du ciel veillait sur nous. Les Perses, prenant contre toute espérance l’initiative de propositions pacifiques, nous envoyèrent pour négociateurs le Suréna et un autre grand du royaume. Eux aussi perdaient courage en voyant la supériorité des armes romaines se signaler de jour en jour par un avantage plus marqué.

(6) Mais leurs conditions étaient dures et leurs paroles captieuses : "Leur roi très clément, disaient-ils, permettrait par humanité aux restes de notre armée d’effectuer leur retraite, si César, d’accord avec ses officiers, souscrivait à ses propositions.

(7) Nous députâmes, de notre côté, le préfet Salutius et Arinthée. Quatre jours s’écoulèrent en pourparlers sans fin, quatre jours d’inanition et de tortures.

(8) Il n’eût pas fallu plus de temps, si le prince eût su le mettre à profit avant l’envoi de ses négociateurs, pour sortir du territoire ennemi et atteindre les points fortifiés de la Gordyène, pays à nous, pays plein de ressources, et qui n’était pas éloigné de plus de cent milles.

(9) Le roi redemandait péremptoirement tout ce que Maximien lui avait pris. Le prix de notre rançon, comme s’exprimait le document, devait être la restitution de cinq provinces transtigritaines ; savoir, l’Arzanène, la Moxoène, la Zabdicène, la Réhimène et la Gordyène, avec quinze places fortes ; plus, Nisibe, Singare et Le-Camp-des- Maures ; boulevard des plus importants pour notre frontière.

(10) Combattre eût mieux valu cent fois qu’accepter une seule de ses conditions. Mais le timide prince était entouré de flatteurs ; on mettait en avant pour l’effrayer le nom de Procope. Un prompt retour, disait-on, était indispensable ; sinon, ce général, avec le corps intact qu’il commandait, pouvait, à la nouvelle de la mort de Julien, opérer toute une révolution sans trouver la moindre résistance.

(11) Ces pernicieuses insinuations agissaient incessamment sur l’esprit de Jovien, qui finit par s’y laisser prendre, et par accorder