Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/286

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Le seul exemple offert par les temps anciens d’une adjonction immédiate est celui que donna Marc-Aurèle en associant à son pouvoir, sur le pied d’une égalité complète, Vérus, son frère adoptif.

Chapitre VII

(1) Quelques jours s’étaient à peine écoulés depuis cette manifestation solennelle de l’accord des vues du pouvoir avec les sentiments de l’armée, lorsque Mamertin, préfet du prétoire, à son retour de Rome, où il était allé redresser quelques abus, fut accusé de concussion par Avitien, ex-lieutenant d’Afrique.

(2) Mamertin fut remplacé par Vulcace Rufin, caractère à citer comme parfait de tous points, et comme type d’une longue vie honorable ; à cela près qu’il ne laissait échapper aucune chance de gain quand il pouvait en profiter sans scandale.

(3) Rufin sut obtenir le rappel d’Orfite, ex-préfet de Rome, et la restitution des biens de l’exilé.

(4) Valentinien, au début de son règne, avait fait effort pour maîtriser les mouvements de fureur auxquels il était sujet, espérant donner le change à l’opinion sur l’irascibilité notoire de son humeur. Mais cette passion n’en fermentait pas moins chez lui, et l’explosion, pour avoir été longtemps contenue, n’en fit que plus de victimes. Les philosophes définissent la colère un ulcère de l’âme, difficile à guérir, si non incurable, et qui a pour principe un affaiblissement moral. Ils s’appuient d’un argument spécieux ; savoir, que les malades sont plus irascibles que les gens en santé, les femmes que les hommes, les vieillards que les jeunes gens, les malheureux que ceux qui n’ont qu’à se louer du sort.

(5) Parmi les actes de cruauté qu’exerça Valentinien contre des individus de rang inférieur, il faut citer le supplice de Dioclès, ex-trésorier des largesses en Illyrie, qui expira sur le bûcher pour une faute assez légère ; et la peine de mort infligée aussi à Diodore, ex-intendant d’Italie, et à trois appariteurs du lieutenant, uniquement parce que le comte s’était plaint de ce que Diodore lui avait intenté un procès civil, et que les appariteurs, sur l’ordre du tribunal, avaient, au moment d’un départ, osé lui signifier qu’il eût à répondre devant la justice. Les chrétiens de Milan ont en honneur la mémoire de ces victimes, et le lieu de leur sépulture s’appelle encore aujourd’hui "Les innocents".

(6) L’empereur, une autre fois, avait donné l’ordre de mettre à mort les décurions de trois villes, pour avoir, sur la réquisition légale d’un juge, pressé l’exécution d’un nommé Maxence, qui était de Pannonie "O prince, lui dit alors Eupraxe, écoutez davantage les conseils de la modération ! Ces mêmes hommes que vous faites périr comme des criminels, la religion chrétienne en fait des martyrs, c’est-à-dire des âmes agréables à Dieu."

(7) Cette courageuse liberté eut un imitateur dans le préfet Florence, qui osa dire un jour, en apprenant que pour une bagatelle l’empereur avait donné le même ordre contre trois des décurions d’un certain nombre de villes : "Et si quelqu’une de ces villes ne compte pas trois magistrats, faudra-t-il ajourner l’exécution jusqu’à ce que celle-ci ait complété son nombre ! "

(8) Valentinien montrait souvent un raffinement de tyrannie dont la mention seule a de quoi révolter. Quand un plaideur s’adressait à lui pour