Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/304

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citoyen de marque, et se jette, l’épée à la main, sur le propriétaire, comme s’il eût été proscrit et que sa tête fût dévouée. Surpris, atterrés, les domestiques ne songent même pas à se mettre en défense. Les brigands profitent de leur stupeur, en tuent un certain nombre, et disparaissent avant le jour, emportant du logis ce qu’il contenait de plus précieux.

(14) Enfin, gorgés de dépouilles, ils en étaient venus à voler sans faire grâce à rien, et seulement par esprit de rapine, quand, sur un ordre de l’empereur, ils furent enveloppés par la force armée, et détruits jusqu’au dernier. On n’épargna pas même leurs enfants en bas âge, de peur qu’ils ne suivissent un jour les exemples de leurs pères ; et l’on rasa leurs maisons, toutes somptueusement construites aux dépens des malheureux qu’ils avaient dépouillés. Reprenons le fil des événements politiques.

Chapitre III

(1) L’illustre Théodose, après quelque séjour à Augusta, autrefois Lundinium, en repartit animé d’une vigueur nouvelle, à la tête d’un corps d’élite. Partout sa présence relevait notre fortune chancelante en Bretagne. Il savait toujours s’assurer l’avantage du terrain, y prévenir les barbares ou les surprendre. Toujours le premier à donner l’exemple,

(2) il se montrait intrépide soldat autant que capitaine habile. Partout il battit ou dispersa les barbares, dont l’insolence, accrue par l’impunité, un moment menaça la domination romaine ; et il eut bientôt rétabli ou réparé les places et les forts construits en d’autres temps pour assurer la tranquillité de l’île, mais que des assauts multipliés avaient mis hors d’état d’y contribuer.

(3) Il se tramait pendant ce temps contre Théodose un complot dont l’explosion eût été des plus funestes, s’il n’eût réussi à l’étouffer dans son germe.

(4) Un certain Valentin, né dans la Pannonie Valérienne, et beau-frère du cruel Maximin, depuis préfet du prétoire, avait été banni en Bretagne pour crime grave. Cette bête malfaisante, à qui le repos de l’exil était insupportable, cherchait à exciter un mouvement contre l’autorité de Théodose, qu’il regardait avec raison comme le seul obstacle à ses désastreux projets.

(5) Il y mit quelque circonspection d’abord ; puis, cédant à la violence de son ambition, il essaya, tant sous main que publiquement, de séduire les exilés et les soldats par des promesses proportionnées aux dangers de la tentative.

(6) Mais, au moment où la conspiration allait éclater, l’actif Théodose, secrètement instruit par ses intelligences de ces menées, résolut de les briser d’un seul coup. Il donna l’ordre au duc Dulcitius de mettre à mort Valentin et quelques-uns de ses plus intimes complices. Mais, avec ce coup d’œil militaire qui lui assurait la supériorité sur tous les capitaines de son temps, il comprit que pousser plus avant les recherches serait jeter l’alarme dans les provinces et réveiller les troubles assoupis. Il défendit donc toute recherche sur les ramifications du complot.

(7) Ce péril une fois surmonté avec le bonheur qui l’accompagnait en toute chose, Théodose se livra sans distraction aux réformes qu’exigeait impérieusement l’état du pays. Il reconstruisit les villes, établit des camps retranchés, protégea les frontières par des postes et des gardes avancées.