Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/311

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avec une armée romaine, et de prendre à revers les Alamans, au milieu du trouble où les jetterait nécessairement cette agression imprévue.

(11) Il y avait deux motifs pour faire accueillir ces ouvertures. D’abord les Burgondes n’ont pas oublié leur origine romaine ; en second lieu, ils avaient avec les Alamans des démêlés touchant la délimitation des frontières et la propriété de certaines salines. Ils mirent donc sur pied l’élite de leurs forces, et, avant même qu’aucun mouvement de concentration fût sensible dans nos quartiers, le corps burgonde s’avança jusqu’au bord du Rhin, où un grand effroi se répandit à son arrivée imprévue.

(12) Là cette troupe fit halte un moment. L’empereur, alors tout entier aux soins de sa ligne de défense, n’était pas au rendez-vous, et rien n’indiquait même un commencement d’exécution de sa promesse. Les Burgondes lui envoyèrent une députation, demandant que leur retraite au moins fût protégée contre un retour offensif des Alamans.

(13) On mit à leur répondre des détours et des lenteurs qui équivalaient à un refus. Ainsi le comprirent les députés, qui se retirèrent indignés ; et leurs rois, furieux d’avoir été joués, rentrèrent dans leur pays, après avoir fait massacrer tous leurs captifs.

(14) Le nom générique du roi chez ce peuple est Hendinos. La coutume nationale veut qu’il soit déposé si la fortune l’abandonne à la guerre, ou si la récolte vient à manquer. Les Égyptiens rendent aussi leur gouvernement responsable des mêmes circonstances. Chez les Burgondes le grand prêtre s’appelle Sinistus. Le sacerdoce est à vie, et n’encourt pas les chances imposées à la royauté.

(15) Cette diversion, quoi qu’il en soit, avait produit chez les Alamans une impression de terreur dont le maître de la cavalerie, Théodose, sut habilement profiter. Il les attaqua du côté de la Rhétie, leur tua beaucoup de monde, et fit des prisonniers qui, par l’ordre de l’empereur, furent ensuite dirigés sur l’Italie, et constitués en colonie tributaire dans les fertiles campagnes arrosées par le Pô.

Chapitre VI

(1) Nous allons en quelque sorte passer dans un autre monde, et retracer les douleurs de la province de Tripolitaine en Afrique, douleurs dont on peut dire que la Justice elle-même a pleuré. Nous montrerons quelle étincelle a produit cet incendie.

(2) Les Austoriani, tribu barbare du voisinage, ne vivant que de meurtres et de rapines, et redoutable pour la rapidité de ses mouvements, après une inaction de quelque durée, avait repris ses habitudes de pillage et de violence. Voici le motif qu’ils donnaient sérieusement à leur agression :

(3) Un des leurs, nommé Stachao, à la faveur de la paix parcourait librement notre territoire. Il y commit plusieurs infractions à l’ordre public et aux lois, une entre autres des plus graves, et dont on eut la preuve. Convaincu de trames pour livrer la province à ses compatriotes, il fut condamné à être brûlé vif et exécuté.

(4) Sous prétexte de tirer vengeance de l’injustice dont un des leurs était mort victime, les barbares se répandirent hors de leurs frontières avec la furie de bêtes féroces. Jovien régnait encore à cette époque. L’invasion respecta la ville de Leptis, redoutable par sa population et ses défenses ; mais ses riches environs furent