Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/334

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empereur) ou périr avec tout ton peuple." Igmacen, à ces mots, se répandit en injures, et se retira gonflé de courroux.

(47) Le lendemain, au point du jour, les deux armées, avec des provocations réciproques, s’ébranlèrent pour en venir aux mains. Les barbares présentaient en ligne près de vingt mille hommes, et tenaient en réserve des corps masqués, avec l’intention d’envelopper les nôtres. Ils comptaient même comme auxiliaires un assez grand nombre de ces Iesaleni qui nous avaient promis leur concours.

(48) Les Romains n’avaient à leur opposer qu’une poignée d’hommes, mais qui étaient pleins du sentiment de leur force, et d’une confiance inspirée par de récentes victoires. Ils serrent leurs rangs, unissent leurs boucliers eu forme de tortue, et présentent un front inébranlable. Pendant toute la durée du combat, qui se prolongea depuis le lever du soleil jusqu’à l’entrée de la nuit, on ne cessa de voir Firmus sur un cheval de haute taille, agitant son ample manteau de pourpre, en même temps qu’il criait à nos soldats de lui livrer sans délai le tyran Théodose, cet inventeur de supplices, et de s’affranchir enfin de tous les maux qu’il les contraignait d’endurer.

(49) Ces paroles agirent diversement sur l’esprit des nôtres. Les uns n’en furent que plus animés à combattre, mais il y en eut qui lâchèrent pied ; aussi, dès que la nuit eut étendu ses premières ombres sur les deux partis, Théodose en profita pour se retirer au poste fortifié d’Auzia. Là il passa une revue de son monde, et fit périr par divers supplices les soldats qui s’étaient laissé entraîner par les exhortations de Firmus. Ceux-ci eurent les mains coupées, ceux-là furent brûlés vifs.

(50) Toute la nuit il resta sur pied. Plusieurs attaques tentées dans l’ombre par les barbares, quand la lune se fut cachée, furent repoussées avec perte, et les plus audacieux furent faits prisonniers. De là Théodose se porte rapidement, par le côté où il était le moins attendu, contre les perfides Iesalenses, dévaste et ruine leur pays, puis retourne, par la Maurétanie Césarienne, à Sitifis, où il fait périr par les flammes, après avoir brisé leurs membres par la torture, Castor et Martinien, deux complices des attentats de Romain.

(51) La guerre alors se renouvelle avec les Isaflenses, qui, dans un premier engagement, furent très maltraités et perdirent un monde considérable. Leur roi Igmacen, jusque là toujours victorieux, s’émut devant ce désastre. Regardant autour de lui, il se vit isolé et bientôt perdu s’il persistait dans son attitude hostile. Il prit aussitôt son parti, s’échappa furtivement de son camp, et vint en suppliant se présenter devant Théodose, qu’il pria de lui envoyer Masilla, l’un des chefs mazices, pour s’entendre avec lui.

(52) Théodose y consentit ; des pourparlers s’ouvrirent ; et Masilla lui fit savoir, de la part d’Igmacen, qu’il n’était qu’un moyen d’obtenir le résultat qu’on attendait de lui : c’était de pousser les hostilités avec vigueur, et de réduire par la crainte sa nation, qui n’avait que trop de tendance à favoriser le rebelle, mais que déjà ses échecs réitérés avaient frappé d’épuisement.

(53) L’avis cadrait trop bien avec le caractère de Théodose, qui n’abandonnait pas facilement ses résolutions, pour qu’il faillît à s’en prévaloir. Il porta de tels coups et de si répétés aux Isaflenses, que la nation entière en vint à fuir devant lui