Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

juge. Valvomère fut ensuite relégué dans le Picentin, où il fut depuis condamné à mort et exécuté par sentence du consulaire Patruin, pour attentat à la pudeur d’une fille de condition.

Ce fut pendant l’administration du même Léonce que Libère, pontife chrétien, se vit mandé devant Constance, comme réfractaire à la volonté impériale et aux décisions de ses collègues de l’épiscopat. Je vais dire un mot du point de dissidence. Un synode (c’est le nom que donnent les chrétiens aux assemblées tenues par les dignitaires du clergé) avait déposé Athanase, évêque d’Alexandrie, pour avoir prévariqué, et pour s’être livré à des poursuites incompatibles avec son caractère de prêtre : c’est du moins ce dont l’a constamment accusé le bruit public. On le disait effectivement assez versé dans l’art de la divination et dans la science des augures pour avoir quelquefois prédit l’avenir ; sans oublier certaines imputations non moins contraires à l’esprit de la religion dont il était l’interprète. II fut enjoint à Libère, de la part du prince, de souscrire au décret qui expulsait Athanase de son siége. Mais Libère, bien que d’accord sur les points de doctrine avec le synode, se défendit obstinément d’obtempérer, protestant avec énergie de l’indignité d’un jugement où l’accusé n’avait été entendu ni même appelé. C’était se mettre en opposition flagrante aux volontés de l’empereur. Celui-ci, qui avait toujours détesté Athanase, tenait singulièrement, tout en regardant la condamnation comme valide, à ce qu’elle fût confirmée par l’autorité prépondérante de l’évêque de la ville éternelle. Cette satisfaction lui étant refusée, il fit enlever Libère. Mais l’attachement du peuple pour son évêque apporta de grandes difficultés à son arrestation, qui ne put s’opérer que de nuit.

VIII : Nous venons d’exposer les événements dont Rome était alors le théâtre. Constance avait ailleurs des sujets de grave inquiétude. Les courriers se succédaient sans interruption, annonçant que c’en était fait des Gaules. Les barbares, ne trouvant de résistance nulle part, y mettaient tout à feu et à sang. Son cerveau travailla longtemps pour trouver à ce mal un remède qui ne l’obligeât pas à quitter sa résidence d’Italie ; car il voyait un grand danger à s’éloigner lui-même si fort du centre. Le parti auquel il s’arrêta fut très-sage : c’était d’associer à son pouvoir Julien, fils de son oncle maternel, qu’il venait depuis peu de rappeler de Grèce, et qui portait encore le costume des philosophes du pays.

Le jour où Constance s’ouvrit à ses confidents intimes sur la résolution où le poussait le malheur des circonstances, faisant ainsi l’aveu, tout nouveau dans sa bouche, de son impuissance à soutenir seul le fardeau toujours croissant des charges de l’État, tous ces maîtres en l’art de la flatterie s’évertuèrent à l’étourdir sur sa position ; répétant à satiété qu’il n’y avait exigences, si grandes fussent-elles, dont sa force d’âme et sa fortune surhumaine ne pussent triompher cette fois comme toujours. Plus d’un, que sa conscience avertissait de redouter le pouvoir nouveau, prétendait que le nom seul de César était gros de périls, et voyait déjà revenir les temps de Gallus. L’impératrice seule tenait tête à ces adversaires obstinés de l’adjonction au gouvernement ; soit qu’elle s’effrayât de la longueur du voyage qu’elle aurait eu à faire, soit qu’un instinct de prudence lui révélât où était le vérita-