Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/51

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âge et de tout rang, tant de la ville que des environs, se précipita au-devant du prince désiré que le ciel accordait à ses vœux. D’aussi loin qu’on l’aperçut, les mots d’Empereur clément, d’Empereur fortuné, retentirent de toutes parts avec un indicible enthousiasme. On jouissait avidement de voir enfin les attributs de la royauté sur un prince légitime : sa présence allait remédier à tout ; c’était un génie tutélaire se montrant à l’heure même où tout paraissait perdu. Une vieille femme aveugle avait demandé quelle entrée on célébrait ? quand on lui eut répondu : Celle de Julien, elle s’écria qu’il rétablirait les temples des dieux.

IX. Maintenant je puis dire, après le chantre illustre de Mantoue, que mon sujet grandit, qu’une plus majestueuse série d’événements se déroule devant moi. Une description préalable de la contrée qui en fut le théâtre ne saurait donc être un hors-d’œuvre ; car des notions de ce genre jetées incidemment au milieu du récit, quand l’intérêt du lecteur est éveillé par l’attente d’une bataille ou par les alternatives du combat, font ressembler l’auteur à ces marins qui ont négligé aux heures de loisir la réparation de leurs voiles et de leurs cordages ; et se voient forcés de s’en occuper au moment où ils sont déjà aux prises avec la tempête et battus par les flots.

Les anciens auteurs, faute de données précises, ne nous ont transmis sur l’origine des Gaulois que des notions plus ou moins incomplètes. Mais plus récemment Timagène, Grec par l’activité d’esprit comme par le langage, parvint à rassembler un grand nombre de faits longtemps perdus au milieu des livres obscurs dont il les avait tirés. Je vais m’aider de ses recherches, en y ajoutant la méthode, et en tâchant de mettre chaque chose dans son ordre et dans son jour.

D’après le rapport des contemporains, les Aborigènes de cette contrée étaient un peuple appelé Celtes, du nom d’un roi de mémoire chérie ; ou Galates, du nom de la mère de ce même roi. De ce dernier nom les Grecs ont fait celui de Galles (Gaulois). Une colonie de Doriens, suivant d’autres, y était venue, à la suite du plus ancien des Hercule former un établissement sur le littoral. Selon les antiquités druidiques, la population de la Gaule n’est indigène qu’en partie, et s’est recrutée à diverses reprises par l’incorporation d’insulaires étrangers venus d’au delà les mers, et de peuplades transrhénanes chassées de leurs foyers, soit par les vicissitudes de la guerre, état permanent de ces contrées, soit par les invasions de l’élément fougueux qui gronde sur leurs côtes. D’autres disent qu’une poignée de Troyens, échappés au sac de leur ville, et rencontrant partout les Grecs dans sa fuite, vint occuper ces régions, alors sans habitants. L’opinion soutenue par les naturels, et leurs monuments en font foi, est qu’Hercule, fils d’Amphitryon, destructeur rapide de Géryon et de Taurisque, l’un tyran de l’Espagne, l’autre de la Gaule, eut, de son commerce avec diverses femmes des plus nobles familles de ce dernier pays, un grand nombre d’enfants, dont chacun donna son nom au canton régi par ses lois. La même tradition veut qu’une émigration de Phocéens d’Asie, fuyant l’oppression d’Harpale, satrape de Cyrus, ait d’abord pris terre en Italie, et fondé la ville lucanienne de Vélia ; puis soit allée avec le reste de son monde élever Marseille dans la Gaule Viennoise, établissement qui, devenu prospère, aurait, à la