Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/692

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se retiraient derrière les pesamment armés : alors ceux-ci, qui étaient comme un mur de fer, prenaient le combat d’abord de loin, avec les armes de jet ; ensuite de près, l’épée à la main ; s’ils mettaient l’ennemi en fuite, c’était à l’infanterie légère et à la cavalerie légionnaire à le poursuivre. Pour eux, ils demeuraient de pied ferme, de crainte de se rompre, et que l’ennemi, venant tout à coup sur eux, ne profitât de leur désordre. Par ces dispositions, la légion était victorieuse sans danger ; ou si elle avait du désavantage, elle se conservait en bon état : car il est de l’essence de la légion de ne pouvoir aisément ni fuir ni poursuivre.

chapitre xviii.
Que le nom et le grade de chaque soldat doivent être écrits sur son bouclier.

De crainte que, dans la confusion de la mêlée, les soldats ne vinssent à s’écarter de leurs camades, chaque cohorte avait des boucliers peints différemment de ceux des autres, ce qui se pratique encore aujourd’hui : ces signes distinctifs sont appelés, d’un nom grec, δείγματα[1]. Outre cela, sur chaque bouclier était écrit le nom du soldat, avec le numéro de sa cohorte et de sa centurie. Par tous ces détails on peut voir qu’une légion bien ordonnée était comme une place forte, puisqu’elle trouvait partout où elle se portait toutes les choses nécessaires à la guerre. Qu’avait-elle à craindre des surprises de l’ennemi ? Elle savait tout d’un coup en rase campagne se faire des retranchements de fossés et de palissades, et trouvait toujours dans son propre corps des soldats et des armes de toute espèce. Si l’on veut défaire des barbares en bataille rangée, il faut faire des vœux au ciel pour qu’il inspire à l’empereur de recruter les légions suivant l’ancien usage. Dans fort peu de temps, des jeunes gens bien choisis, et dressés chaque jour, soir et matin, à tous les exercices militaires, égaleront facilement ces anciens soldats qui ont subjugué le monde entier. Qu’importe, empereur invincible, que le militaire ait souffert de si grandes altérations, s’il est attaché au bonheur et aux vues sublimes de votre Eternité de rétablir les anciens règlements et d’en faire de nouveaux pour le bien de l’État ? Avant l’essai, tout paraît difficile : cependant, si l’on préposait aux levées des gens capables de bien faire cet emploi, on pourrait rassembler bientôt une jeunesse propre à la guerre, et former de bonnes troupes. Avec des soins bien entendus, on vient à bout de tout, lorsqu’on ne ménage pas les dépenses convenables.

chapitre xix.
Qu’il faut rechercher dans le nouveau soldat, outre la force du corps, l’art d’écrire par notes et de compter.

Les commissaires des levées doivent chercher généralement la hauteur de la taille, la force et la bonne volonté, dans tous les sujets qu’on leur présente ; mais il faut que sur le nombre il s’en trouve quelques-uns qui sachent écrire par notes, compter et calculer. Il y a plusieurs grades dans la légion ; le service militaire, public et particulier, et la paye, s’écrivent jour par jour, pres-

  1. Preuve, échantillon ; ce qui montre, sert à distinguer.